Navigation (Moyen Âge, Temps modernes, Période contemporaine) | Buti, Gilbert

Navigation 1082 au cours desquels l’État organise la protection de la navigation par un système de convois avec le regroupement des bâtiments. Cependant, nombre d’armateurs se montrent réticents à se placer sous cette protection à la fois payante, lente (car les bâtiments doivent régler leur marche sur celle du navire le plus lent) avec des arrivées groupées qui ne favorisent pas les spéculations. Pour souligner la périlleuse navigation méditerranéenne, on aime citer les mots attribués à un marin génois (Gianandrea Doria), à savoir : « Il n’y a que trois ports à l’ouest de Gênes : juin, juillet et Carthagène. » Y aurait-il donc des saisons de prédilection pour naviguer en Méditerranée ? Force est de reconnaître – à partir d’observatoires de Méditerranée occidentale – que, en dehors d’an- nées exceptionnelles où les caboteurs augmentent soudainement leurs cadences pour répondre à des demandes de céréales ou, au contraire, limitent leurs sorties étant donné les risques de capture en temps de guerre, la navigation n’obéit pas à un strict rythme saisonnier. La circulation maritime est certes plus dense de la fin du printemps au cœur de l’automne, avec un maximum en été, mais le flé- chissement observé en hiver n’en fait pas une morte saison, de même que nous n’observons pas un « temps prohibé » pour les départs des caravaneurs, bien que l’hiver soit moins propice à ces expéditions. Il est vrai également que dans le cadre d’un commerce à court rayon, deux ou trois produits suffisent pour marquer le calendrier de la navigation ; ainsi, entre mai et octobre, une intensification de la navigation peut résulter de l’abattage et du tirage des bois, du ramassage du liège et des châtaignes, des expéditions des vins de l’année. Dans une large mesure, le calendrier agricole dicte alors, comme dans nombre de ports ponantais, son rythme aux usagers de la « navigation à la côte ». La navigation a participé, au cours des xvii e et xviii e siècles, à la modification des usages de certains rivages, voire à leur transformation socio-économique. Des trafics structurels interrégionaux (« bleds de mer » du Levant, d’Italie et d’Afrique du Nord ; « flottes de l’huile » pour les savonneries) se superposent aux flux du quotidien qui répondent à la distribution des « choses banales » (Roche) comme ces bois à brûler, poteries, châtaignes, pierres, sable, cendres. Cette navigation assure également un drainage conjoncturel de marchandises lors de l’armement des grandes escadres dans les ports de guerre, comme elle participe, en tant que transport relais, à la concentration de marchandises dans le cadre du système colonial : pour la composition des cargaisons des flottes à destination des îles d’Amérique ou de l’océan Indien ou pour la redistribu- tion des produits coloniaux (café, cotonnades, sucre, indigo) stockées dans les magasins et les entrepôts. Le fourmillement des « bazars ambulants » (Braudel) contribue quelquefois au remodelage des rivages. Le trafic maritime de l’huile d’olive a stimulé l’économie calabraise alors que les pratiques de l’agriculture de subsistance y paraissaient bloquées. Le transport des « barilles » (salicornes ou

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