Musulmans | Frégosi, Franck

Musulmans 1058 cinq siècles de domination ottomane laisseront dans la péninsule Balkanique une empreinte durable qui, en dépit des siècles, des flux et reflux forcés de popu- lations, des entités étatiques créées sur les décombres régionaux des empires ottoman et austro-hongrois et indépendamment des flux migratoires, témoigne aujourd’hui encore, y compris dans un contexte tendu, d’une présence musul- mane ininterrompue aux côtés de populations chrétiennes (orthodoxes et catho- liques) au cœur même du continent européen. C’est ainsi que dans cette région, outre le Kosovo musulman à 90 %, et l’Albanie à 70 % (présence de fortes mino- rités pratiquant un islam hétérodoxe), subsistent un peu partout des groupes de populations musulmanes. En Bulgarie, leur nombre est estimé à plus de 600 000 (9 % de la population) ; en Roumanie, 50 000 personnes ; en Grèce, ils seraient près de 500 000 (2 %), localisés principalement en Thrace occiden- tale et dans les îles de Rhodes et Kos. Il s’agit généralement soit de populations turcophones, soit de populations islamisées par l’Empire ottoman, mais appar- tenant à divers groupes linguistiques (serbo-croate en Bosnie, bulgare pour les Pomaci de Bulgarie et de Grèce, albanais en Albanie et au Kosovo). Cette Europe balkanique traversée par différentes religions demeure un lieu privilégié où l’on continue d’observer des lieux saints partagés et visités par des populations notam- ment chrétiennes et musulmanes (Albera et Couroucli, 2009). Le troisième temps fort de cette rencontre se produisit lors de la coloni- sation, au travers de l’expansion des puissances européennes hors du Vieux Continent à partir de la fin du xix e et au tout début du xx e siècle. Ce fut le cas notamment de l’Angleterre, via le condominium anglo-égyptien et sa poli- tique proche-orientale (l’affaire de la révolte arabe, le protectorat en Irak…), la France au travers plus particulièrement de son expansion au Maghreb et en Afrique occidentale, sans oublier la Hollande dans l’Insulinde d’alors, l’actuelle Indonésie. Dans le cas de la France, cette expérience coloniale, tout particuliè- rement en Algérie, s’avéra fondatrice en ce qu’elle devait durablement influer sur la façon dont la république entend gérer durablement ses relations à l’islam en tant que culte en métropole. Le rapport de l’Europe à l’islam interfère enfin également avec l’histoire plus récente des différentes vagues migratoires de travail qui, globalement vont contri- buer selon les pays parfois dès les années 1920 (Royaume-Uni) et jusqu’à la moitié des années 1970, moment où à l’échelle européenne les gouvernements tentent de limiter progressivement l’immigration, à constituer en Europe occi- dentale les premiers noyaux de populations musulmanes. L’installation de ces populations immigrées et originaires de l’aire culturelle musulmane (Maghreb, Afrique subsaharienne, Turquie, Asie) devait se faire en différentes étapes, aux- quelles allaient correspondre différents types de présence et modes d’affirmation de l’islam.

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