Mur | Parizot, Cédric

Mur 1037 comme l’intérieur et l’extérieur. En outre, ce projet était envisagé comme un moyen salutaire pour le futur de l’État juif et la pérennité du projet sioniste : la démarcation de façon unilatérale des futures frontières d’Israël devait permettre d’exclure la majeure partie des Palestiniens, tout en annexant un maximum de terres et de colons juifs de Cisjordanie. Ses promoteurs envisageaient donc à la fois d’agrandir le territoire israélien tout en préservant une majorité juive dans ses limites. Les raisons évoquées en 2011 par le gouvernement Netanyahu pour justifier la construction d’une barrière supplémentaire le long de la frontière avec l’Égypte répondent à des inquiétudes similaires. Il s’agit de faire obstacle à des tentatives d’attentats organisés par des groupes terroristes à partir du Sinaï et de prévenir une invasion migratoire en provenance d’Afrique, laquelle, selon certains hommes politiques israéliens, mettrait en cause la sécurité et le carac- tère juif de l’État d’Israël. Érigées par les pays les plus riches, le long des fractures où prévalent les iné- galités économiques les plus fortes, ces barrières sont conçues par leurs promo- teurs comme des dispositifs de protection des privilégiés contre des populations qu’ils envisagent comme des « masses dangereuses » (Rosière et Jones, 2011). Ces murs entre États font donc écho aux murs des villes dont s’entourent les quartiers les plus favorisés depuis le début des années 1990. Certains ont d’ail- leurs été particulièrement médiatisés, tels celui de la ville tchèque de Ústí nad Labem en 1999, construit pour isoler des Roms, ou celui de Padoue érigé en 2006 pour séparer un quartier de migrants (Quétel, 2012, p. 279). Ce genre de murs s’est très largement répandu sur le pourtour méditerranéen. Alors que ce phénomène ne touchait au départ que les quartiers riches, il s’est étendu aux quartiers les plus modestes. C’est le cas dans de nombreuses villes du Sud de la France : à Marseille, en 2010, une étude réalisée par des géographes évaluait le nombre de ces résidences fermées à plus de 1 000 (Dorier [coord.] et al ., 2010). Les rives sud et est ne sont pas non plus épargnées : ce genre de résidences se multiplie au Maroc, en Tunisie, en Égypte (Almatarneh, 2013) ou encore, en Israël (Salenson, 2009). Érigés aux frontières, aux marges des États ou au cœur des villes, les murs matérialisent les tensions et les fractures au sein d’une Méditerranée globalisée. L’édification de ces murs en Méditerranée contribue enfin à générer des espaces asymétriques (Ritaine, 2009). En effet, la décision de la séparation est souvent prise par la partie la plus forte, l’autre se retrouvant de facto séparée. En outre, ces murs permettent de mettre en œuvre un filtrage asymétrique. D’un côté, ils bloquent ou réduisent les mouvements de populations jugées indési- rables, tandis qu’ils s’efforcent, de l’autre, de ne pas gêner la fluidité des ressor- tissants des pays qui les dressent : ils fonctionnent donc comme des membranes. Le mur de Cisjordanie est un bon exemple. Étant donné les nombreuses colonies

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