Mur | Parizot, Cédric

Mur 1036 comme un risque par les citoyens des pays les plus favorisés. Les frontières leur semblent plus poreuses et échapper au contrôle de l’État. À une époque où les distances se sont considérablement réduites, ces populations se sentent plus exposées aux dangers venus de l’extérieur. Ce sentiment est renforcé par le rôle croissant que jouent les organisations transnationales infra-étatiques (firmes multinationales, organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme, mouvements politiques et religieux transnationaux, etc.) et les insti- tutions de gouvernance politiques, économiques et juridiques supranationales (Union européenne, Fonds monétaire international, Cour européenne de jus- tice) dans les affaires politiques nationales (Brown, 2009). Toutefois, les inquiétudes liées à la perte de contrôle des frontières semblent se cristalliser sur certains phénomènes plutôt que d’autres tels que l’augmenta- tion des flux migratoires en provenance des pays les plus pauvres. Les réactions de rejet et d’hostilité que l’on a pu observer, au cours de l’année 2015, en France et en Europe à l’égard des migrants en provenance de Syrie, illustrent parfaite- ment cette tendance. Ceci n’est pas nouveau, Évelyne Ritaine soulignait, il y a quelques années, qu’en « Méditerranée, comme ailleurs, la question du contrôle de la frontière est largement ramenée à celle du contrôle de l’immigration, et la notion de risque presque toujours corrélée au problème de l’immigration clandes­ tine » (2012, p. 6). L’impression selon laquelle ces flux représentent des menaces économiques, sociales et sécuritaires s’est accentuée dans le contexte des crises économiques successives et de l’apparition de formes de terrorisme plus violentes et plus spectaculaires, comme ce fut le cas lors des attentats de New York (11 septembre 2001), mais aussi ceux de Madrid (11 mars 2004), de Londres (7 juillet 2005), de Bombay (27 et 28 novembre 2008) et plus récem- ment de Sousse (26 juin 2015) et de Paris (7 janvier et 13 novembre 2015). Cette impression a également été renforcée par certains politiques qui, à des fins électoralistes, n’hésitent pas à instrumentaliser ces phénomènes déjà très média- tisés. Ainsi, les populations mobiles se trouvent tenues responsables de proces- sus et de mutations qui leur échappent pourtant largement. Dans d’autres contextes, comme celui du conflit israélo-palestinien, c’est éga- lement pour répondre au sentiment de perte de souveraineté de l’État d’Israël sur son territoire ou de perte de contrôle sur le destin du pays que les autori- tés ont élevé des barrières avec les Palestiniens (Parizot, 2009 ; Latte Abdallah et Parizot, 2011). Cependant, cette inquiétude a émergé dans un contexte conflictuel spécifique avec le second soulèvement palestinien (2000‑2004) et l’augmentation sans précédent du nombre d’attentats-suicides palestiniens dans les villes israéliennes au printemps 2002. Non seulement ces attentats avaient remis en cause la capacité de l’État d’Israël de défendre ses citoyens, mais ils étaient venus également brouiller les frontières entre ce qui est alors considéré

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