Mur | Parizot, Cédric

Mur 1034 Dans les années 1990, la plupart des murs abandonnent leur vocation mili- taire au profit de fonctions policières et sécuritaires. Désormais, ces barrières ont pour principal but de contrôler les mouvements de populations ainsi que l’ex- clusion de groupes considérés comme présentant des risques. En construisant, dès 1995, des barrières le long de leurs enclaves de Ceuta et Melilla, les Espagnols sont les premiers Européens à recourir aux murs pour lutter contre l’immigra- tion clandestine et les trafics illégaux (drogue, contrebande, etc.) – utilisant ainsi le même procédé que celui employé un an plus tôt sur la frontière américano-­ mexicaine, et alors vivement critiqué par l’Europe. Depuis, de nombreux autres projets ont vu le jour en Europe, au Maghreb et au Moyen-Orient, dont plusieurs au cours de l’année 2015. Les cartes réalisées par les équipes de recherche d’Elisabeth Vallet et Migreurop en 2012 (Migreurop, 2012a) et celle d’Alexandra Novosseloff et Frank Neisse (2015, p. 10) n’arrivent d’ailleurs plus à suivre cette prolifération. En Europe de nouveaux murs sont apparus autour de l’espace Schengen : au niveau du fleuve Évros entre la Grèce et la Turquie, entre la Slovaquie et l’Ukraine, entre la Bulgarie (candidate à l’intégration dans Schengen) et la Turquie (Quétel, 2012, p. 266‑267). En 2015, à la suite de l’arrivée de plus en plus importante de migrants, la Hongrie a annoncé son projet d’élever un mur de 175 km le long de sa frontière avec la Serbie (Honoré, 2015). Même la France n’échappe pas à cette tentation, puisqu’elle a érigé une clôture de 2 à 4 m de haut sur 3 km de long pour barrer l’accès des migrants au terminal d’Eurotunnel. Enfin, en déclarant en octobre 2015 sa volonté d’élever un mur le long de sa frontière avec la Slovénie ( AFP et Verdier, 2015), l’Autriche inau- gure le premier mur au sein de l’espace Schengen. Au sud et à l’est de l’Europe, d’anciens édifices construits sur des lignes de front sont même aujourd’hui « réhabilités » en vertu de leur capacité de contenir les flux des migrations. C’est le cas de la barrière de sable le long du Sahara occidental, désormais présentée comme telle par certaines autorités marocaines (Novosseloff et Neisse, 2015). En 2014, le Maroc a annoncé la construction d’un mur sup- plémentaire d’une centaine de kilomètres le long de sa frontière avec l’Algérie. En 2015, la Tunisie a, quant à elle, commencé à élever un mur de 168 km le long de sa frontière avec la Libye (Amari, 2015). La Turquie a décidé de fortifier certaines zones frontières avec la Syrie ( Le Figaro , 2014 ; AFP 2015), au même titre que l’Égypte le long de la zone tampon entre la bande de Gaza et le Sinaï. Ces murs ne sont pourtant que la pointe de l’iceberg : ils sont l’équivalent terrestre de dispositifs de surveillance maritime bien plus étendus, que les diffé- rents pays membres de l’Union européenne ont déployés le long du détroit de Gibraltar, de l’île de Lampedusa, de Malte ou encore entre les îles grecques et la Turquie (Rosière et Jones, 2011, p. 227‑228). L’un des plus élaborés de ces « murs

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