Mudéjares | García-Arenal, Mercedes

Mudéjares 1029 particulier la fonction publique, à l’extérieur de leurs communautés, mais éga- lement d’autres telles que la pratique de la médecine. La ségrégation ne cessait d’augmenter. Elle était aussi physique. Entre le concile de Salamanque de 1335 et l’ Ordenamiento (Ordonnance royale) de 1412, se ren- forcèrent les dispositions pour empêcher tout contact et même toute proximité entre musulmans, juifs et chrétiens. En vertu de ces dispositions, les mudéjares devaient habiter dans des quartiers réservés appelés morerias où ils pouvaient vivre (culte religieux, bains, boucheries, boulangeries et, naturellement, cime- tière séparé) sans l’ingérence des chrétiens et sans gêner ces derniers par leurs manifestations cultuelles publiques (tels les appels à la prière). Les musulmans devaient avoir leurs propres magasins d’alimentation et il leur était interdit de vendre des aliments aux chrétiens. La ségrégation comprenait également d’autres dispositions comme l’interdiction aux chrétiennes d’allaiter des enfants de mudé- jares et vice versa. Toutes ces lois, accablantes et répressives, ne s’appliquaient pas toujours mais marquèrent très nettement le durcissement des conditions de vie des minorités. Les obligations fiscales des mudéjares n’étaient pas les mêmes que celles des chrétiens. Leur statut juridique ne l’était pas non plus : la majeure partie des fueros intégrait des réglementations clairement désavantageuses pour les juifs et les mudéjares, par rapport aux délits de violence physique, qu’ils en fussent les auteurs ou les victimes, ainsi que leur capacité de témoigner dans un procès. La loi hispanique, quant à elle, fut fondée aux xiv e et xv e siècles sur des textes juridiques et des résumés écrits par des alfaquíes , en castillan, parce que leurs pairs ne connaissaient plus la langue arabe et que les autorités chrétiennes avaient besoin de connaître la législation musulmane. Quelques-unes de ces compila- tions sont arrivées jusqu’à nous comme celle écrite autour de 1462 par un célèbre alfaquí de Ségovie, Ice de Gebir (‘Isa ibn Jâbir) : Breviario Çunní o Suma de los principales mandamientos e devedamientos de la ley y çunna. Ce personnage inté- ressant – dont l’objectif était probablement de « castillaniser » l’islam mudéjare afin de le rendre plus tolérable aux chrétiens – voyagea en Saxe où il participa, auprès de Juan de Segovia, à la première traduction en espagnol du Coran. À la fin du xiv e siècle fut également écrit un recueil semblable en catalan : Libre de la Çuna e Xara. Les mudéjares constituent le premier exemple historique de communautés islamiques minoritaires vivant sur un territoire régi par un pouvoir politique chrétien. Pour cette raison, ils ont fait l’objet d’un regain d’intérêt et ont acquis un caractère paradigmatique aux yeux des nouvelles communautés islamiques d’Europe, lesquelles voient en eux l’exemple d’un islam des minorités ou d’un islam de l’exil. Ainsi, par exemple, les fatwas qui ont, à une époque, visé à régle- menter la légitimité de leur permanence en territoire chrétien ont été reprises,

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=