Mudéjares | García-Arenal, Mercedes

Mudéjares 1028 par un mufti andalou, Ibn Rabî‘ (1228‑1319), qui vécut à Malaga, et qui, interrogé par un étudiant sur la légalité de vivre en territoire chrétien, émit une fatwa où il recommandait clairement de quitter un tel territoire, et précisait les circonstances qui exemptaient de ce devoir d’émigration. Il est difficile de faire une synthèse de la question mudéjare puisque la vie de ces diverses communautés varie énormément dans le temps, selon les condi- tions et les pactes de la conquête de territoires précis, et surtout en vertu des législations selon les différents royaumes. Leur composition démographique était différente aussi, ce qui affectait directement leurs relations avec la société majoritaire. À la fin du Moyen Âge, en Castille, ils représentaient à peine 0,5 % de la population, principalement urbaine de petits artisans et commerçants, en petits groupes dispersés. Cependant, il existait des communautés importantes comme celles d’Avila ou de Ségovie. Le cas d’Avila est un exemple type : à la fin du Moyen Âge, la ville comptait une population de plus de 2 000 juifs, quelque 1 300 mudéjares, alors que la population chrétienne n’excédait pas 3 000 âmes. En Aragon, les mudéjares constituaient 20 % de la population, vivaient principa- lement sur des terres de seigneuries, consacrées à l’agriculture irriguée. En Castille et en Aragon, les élites mudéjares se déplacèrent, peu à peu, vers le territoire isla- mique et la langue arabe disparut rapidement, la langue parlée en premier ; l’écrit en arabe fut conservé uniquement par les alfaquíes pour les aspects juridiques et religieux. Plus tard, la langue écrite, en Aragon, céda la place à l’aljamía , langue vernaculaire écrite en alphabet arabe. Les territoires conquis plus tard, Valence, Grenade, eurent une population plus dense de mudéjares qui maintinrent la langue arabe parlée et écrite, y compris après les décrets de conversion au catho- licisme. Sur ces deux territoires, une situation semblable à celle de la colonie se produisit : une élite chrétienne gouvernait un territoire sur lequel la population musulmane tardait à devenir minoritaire, maintenait sa langue, sa culture et sa religion, en communautés denses, unies, mais séparées des chrétiens. La position légale des mudéjares était régie par les lois de la Castille, en parti- culier les Siete Partidas (Sept Parties) , promulguées au xiii e siècle par Alphonse X (surtout le chapitre XXV) et par le Fuero Real (Charte royale) , tandis qu’en Aragon les mudéjares dépendaient des fueros locaux. Ces lois interdisaient, entre autres choses, la conversion à l’islam et le prosélytisme exercé par les musulmans, ainsi que les conversions entre minorités, par exemple, de juif à musulman et vice versa. Dans le respect et la protection légale offerte par la Couronne, dont dépendaient directement les communautés (au point que les mosquées étaient propriétés royales), une bonne partie des mesures allaient vers une nette dis- tinction (y compris vestimentaire) entre les diverses communautés. Il s’agis- sait également d’éviter le pouvoir potentiel des minoritaires sur les chrétiens, ce qui impliquait l’interdiction de toute une série d’activités professionnelles, en

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