Mozarabes | Bosseman, Gaelle

Mozarabes 1023 des martyrs de Cordoue, qui rassemble les écrits polémiques et les Passions rédi- gés au milieu du ix e siècle par les deux apologistes Euloge et Alvare, a été l’ob- jet de relectures exaltant ces néomartyrs, symboles de la résistance acharnée des mozarabes à l’islam. Dès le milieu du ix e siècle s’amorce un mouvement de traduction du latin à l’arabe de certains livres de la Bible, des canons des conciles et de quelques textes d’auteurs hispaniques comme Isidore de Séville et Paul Orose. Cette lit- térature arabo-chrétienne, qui tente de concilier arabité et latinité, se caracté- rise donc par deux aspects : sa nature essentiellement religieuse et le faible nombre d’œuvres originales. Quatre traités rédigés aux xi e et xii e siècles attestent de l’exis- tence sans doute ancienne d’une tradition polémique et apologétique chrétienne mozarabe en corrélation avec le mouvement de traduction de la littérature reli- gieuse. L’exemple de la traduction des psaumes de Hafs ibn Albar (889) met en lumière un véritable travail d’interprétation et d’adaptation du texte latin à la langue arabe. Son ambition, plus que de proposer une traduction, est de restituer grâce à la versification arabe la musique du texte. Sous le règne d’al-Hakam II (915‑971) est composé le Calendrier de Cordoue de 961 , œuvre conjointe d’un chrétien, l’évêque d’Elvira Recemundus, et du médecin et his- toriographe musulman ‘Arîb ibn Sa‘îd. Probablement à sa demande est égale- ment effectuée une compilation en arabe d’histoire romaine et wisigothique fondée sur les Histoires d’Orose, à laquelle s’ajoute plus tardivement l’ Histoire universelle mozarabe conservée dans un manuscrit à Kairouan. Bien que limi- tée, la littérature arabo-chrétienne se présente comme une tentative pour conci- lier une identité toujours pensée comme latine et romano-wisigothique avec les changements d’une société où le christianisme devient minoritaire et où l’islam exerce une attraction croissante sur les fidèles. Néanmoins, le rôle des moza- rabes se révèle marginal dans la constitution d’une culture arabo-andalouse qui emprunte ses modèles à l’Orient. Même si le Traité sur les rites du christianisme de Hafs ibn Albar nous a été conservé par fragments dans les citations qu’en fait al-Qurtubî au xiii e siècle dans sa Démonstration de la vérité de la religion musul- mane et de la fausseté de la religion chrétienne , œuvre polémique qui discute les dogmes chrétiens, et même si l’historien Ibn Khaldûn utilise des compilations historiques mozarabes, les indices d’une lecture des œuvres en dehors de la communauté chrétienne sont faibles. Il semble plutôt nécessaire de mettre l’accent sur leur rôle d’intermédiaires et de passeurs : les mozarabes ont participé à la circulation d’éléments procé- dant de la culture orientale sous ses deux facettes, arabo-musulmane et chré- tienne, par le biais des traductions, de la diffusion des textes, des savoirs ou des techniques artistiques. L’exemple de la circulation des thèmes de la polémique islamo-chrétienne en Méditerranée démontre assez clairement leur rôle dans la

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