Mozarabes | Bosseman, Gaelle

Mozarabes 1020 Évolution du groupe et migrations L’implantation chrétienne dans les territoires islamiques montre une évolu- tion contrastée. Bien que la documentation des viii e et ix e siècles soit assez limitée, Cyrille Aillet a montré toutefois que la hiérarchie ecclésiastique et les provinces ecclésiastiques traditionnelles ont perduré. L’importante produc- tion écrite chrétienne dans la Cordoue du milieu du ix e siècle met également en évidence la densité du réseau monastique, comprenant à la fois d’anciens établissements wisigothiques toujours en activité et de nouvelles fondations. À la suite de la conquête, l’implantation chrétienne s’est réduite dans certaines régions et s’est restructurée autour de la Bétique, cœur politique du territoire jusqu’à la chute du califat (1031). Néanmoins, le trait le plus caractéristique de l’implantation mozarabe est que la communauté n’a jamais constitué un ensemble homogène dans l’espace et dans le temps. Amorcée dès la conquête, l’immigration de chrétiens venus d’al-Andalus dans les royaumes du Nord a été un phénomène durable et continu au haut Moyen Âge. Si ces migrations ne furent pas aussi importantes que le laissent croire les chroniques asturo-léonaises pour accentuer le rôle restaura- teur de la monarchie, les cartulaires et la toponymie témoignent de l’installa- tion régulière de colons mozarabes dans les territoires occupés par les chrétiens, avec un accroissement du phénomène au ix e siècle. À ces migrations volontaires s’ajoutent les déportations vers le Maghreb au xii e siècle, sous les Almoravides, qui ont contribué à disperser géographiquement les communautés mozarabes. Par ailleurs, al-Andalus a pu accueillir des chrétiens venus du Nord de la pénin- sule, d’Orient ou de l’Occident chrétien, attirés par la prospérité et l’éclat de la société andalouse. Ces « néo-mozarabes », selon l’expression de Mikel de Epalza – militaires, esclaves, clercs, diplomates ou encore commerçants – n’ont pas néces- sairement constitué des communautés permanentes et stables. Le ix e siècle représente une rupture dans l’histoire des mozarabes. En pre- mier lieu, il semble qu’il faille placer à la fin de ce siècle le tournant de l’islami- sation dans la mesure où le passage à l’islam, par le biais des conversions et des mariages interconfessionnels, paraît avoir réduit le christianisme à une minorité. Les enfants nés d’unions interconfessionnelles sont considérés comme musul- mans selon le droit islamique. D’autre part, cette période coïncide avec la dimi- nution progressive d’écrits en latin après une phase de production importante liée au mouvement des martyrs de Cordoue, ces chrétiens qui ont volontaire- ment recherché le martyre en blasphémant en public l’islam et son prophète ou en apostasiant la religion musulmane. Ces textes démontrent l’importance des débats que les questions de l’islamisation et de l’arabisation soulevaient dans la

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