Morisques | García-Arenal, Mercedes

Morisques 991 Intégration et conflit Au cours du xvi e siècle, aux problèmes créés par les morisques du point de vue chrétien, s’ajoutèrent ceux posés par les corsaires d’Afrique du Nord, qui har- celaient et terrorisaient les populations côtières dans le Sud-Est de la pénin- sule. En résumé, il s’agit d’une confrontation avec l’islam de l’extérieur, que les Espagnols de l’époque assimilaient le plus souvent à celui de l’intérieur, et qui était liée à l’Empire ottoman. Les morisques étaient surveillés en permanence, suspectés de conspirer avec les musulmans d’Afrique du Nord et de tramer des rébellions armées qui, effectivement, eurent lieu. La plus importante fut celle des Alpujarras (1568‑1570). Aussi longue et barbare que difficile à réprimer, elle aboutit en fin de compte à la conquête chrétienne définitive du royaume de Grenade. Scellant à jamais la crainte du morisque dans l’imaginaire chrétien, elle s’acheva par la déportation des morisques grenadins en Castille et confirma l’impossible intégration ou acceptation des habitants d’origine musulmane par la société chrétienne. À partir de 1580, le Conseil d’État commença d’envisa- ger l’expulsion des chrétiens d’origine musulmane. Les morisques hispanisés, christianisés, ont laissé peu de traces dans la docu- mentation, ce qui a contribué à donner d’eux une image erronée ; ils étaient per- çus comme « inassimilables », musulmans envers et contre tout. La réalité fut bien plus complexe. On le constate lors de leur expulsion, entre 1609 et 1614, lorsqu’ils durent s’intégrer, avec plus ou moins de difficultés, dans les sociétés islamiques du Nord de l’Afrique : en Tunisie principalement, mais également à Alger et au Maroc. Les documents notariés de Grenade, à commencer par les testaments, attestent qu’un grand nombre de morisques appartenaient à des confréries et portaient sur leurs testaments des dons pour des messes, des pro- cessions, ou pour la restauration de leurs paroisses, etc. La résistance fut cultu- relle et sociale presque autant que religieuse, nourrie par le rejet de la société majoritaire qui, elle-même, les discriminait et marginalisait. En ces temps-là, les morisques durent adopter, pour passer inaperçus, la langue, les us et coutumes de cette société qu’ils intériorisaient, parfois à regret, en même temps que tout un monde culturel catholique. La littérature La représentation la plus explicite de ce métissage est probablement la litté- rature aljamiada , écrite en espagnol vernaculaire avec l’alphabet arabe et dans laquelle les termes et concepts religieux sont généralement d’origine arabe. De

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