Montagne | Albera, Dionigi

Montagne 982 La proximité généralisée des montagnes en Méditerranée signifie souvent abondance d’eau dans le bas pays. Autant de Nil en miniature ont çà et là rem- placé le rôle du grand fleuve pour la vie de l’Égypte. La prospérité de la plaine de Marrakech (le Haouz) a toujours été tributaire des apports en eau du Haut-Atlas, tout comme les jardins de Grenade ont été approvisionnés par la sierra Nevada, et la région fertile autour d’Antalya a profité des ressources hydriques venant du Taurus tout proche. L’eau qui descend de la montagne doit être acheminée par des aqueducs pour nourrir les nécessités urbaines, en se dispersant en mille fon- taines à la fin du parcours ; elle doit être maîtrisée, endiguée, éparpillée dans les réseaux des canaux, pour devenir utile pour l’agriculture. Travail titanesque qui n’est jamais entièrement à l’abri des crues inattendues, des inondations dévasta- trices. Quand la chaleur est écrasante en bas, on peut parfois encore voir à l’œil nu les sommets enneigés des montagnes. Et durant des millénaires, des commer- çants inventifs se sont affairés pour acheminer la neige des montagnes jusque dans les villes de la côte, en offrant le réconfort de sa fraîcheur à qui pouvait l’acheter pendant l’été. Il s’agit là d’un exemple éclatant de la complémentarité entre la montagne et la plaine, vers laquelle nous allons, maintenant, tourner l’attention. Nomadisme et transhumance Les écarts écologiques de la géographie méditerranéenne ont eu des conséquences importantes sur le mode de vie des populations. Grâce à l’activité humaine, ils ont été inscrits dans une complémentarité qui les a transformés en ressources économiques. C’est le cas, notamment, des mouvements liés aux activités pas- torales qui ont inlassablement exploité les différences climatiques entre la plaine et la montagne. Durant l’été, la montagne offre des pâturages abondants, tandis qu’au cours de l’hiver, quand les hauteurs sont inaccessibles, ce sont les plaines côtières qui fournissent de l’herbe pour les animaux. À cela s’ajoutent naturel- lement des paliers intermédiaires. Au cours des siècles les allers et retours des troupeaux ont ainsi dessiné une géographie persistante de routes, pistes et sen- tiers reliant les montagnes au bas pays. On a l’habitude, à ce propos, de distinguer nomadisme et transhumance (deux définitions savantes d’origine assez récente). Les nomades se déplacent avec leurs familles, leurs habitations et tous leurs avoirs, tandis que la trans- humance est plutôt l’affaire de bergers spécialisés, qui ont des maisons fixes où résident leurs familles. Dans la réalité, il existe des situations intermédiaires entre ces deux types abstraits. En Méditerranée, la proximité des montagnes avec la mer a permis une foule de mouvements de court rayon. En quelques journées de marche, d’innombrables

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