Montagne | Albera, Dionigi

Montagne 981 qui menacent la vie des hommes, détruisent les maisons et interrompent les voies de communication. La fonte des neiges ou les averses diluviennes produisent parfois des crues extraordinaires des torrents, qui emportent tout sur leur pas- sage. Dans un registre moins dramatique, la pente rend les défrichements dif- ficiles et fait du maintien des champs cultivés un labour toujours recommencé. Autrefois en Kabylie, on arrivait même à s’encorder pour pratiquer l’arbori- culture sur des versants très raides, parsemés d’oliviers et de figuiers (Lacoste-­ Dujardin, 2002, p. 124). La culture en terrasses, système très répandu pour aménager le terrain en pente, permet de créer des surfaces horizontales étagées, soutenues par des murets ou par des talus de terre. Si les terrains destinés aux cultures sont limités, la montagne possède en revanche d’importantes ressources forestières et des pâturages qui se prêtent à l’élevage. Des formes mixtes d’éco- nomie, associant l’agriculture et l’élevage (surtout ovin et caprin), se sont donc largement implantées. En montagne, on assiste à un échelonnement vertical de la végétation, du bas vers le haut des versants : des plantes à feuilles caduques on passe aux essences résineuses pour arriver aux prairies qui annoncent déjà les espaces rocheux des sommets. L’exploitation agricole a adhéré à cette orientation alti- tudinale, en diversifiant les destinations productives. Aussi bien les territoires villageois que les propriétés familiales ont généralement établi un étalement vertical, le fond des vallées et les versants ensoleillés (les adrets des Alpes fran- çaises) étant réservés à la culture, l’ubac et les prairies de haute montagne au pâturage des troupeaux. Le climat des montagnes méditerranéennes étant généralement marqué par des étés assez secs et ensoleillés, l’irrigation s’impose pour intensifier le ren- dement des cultures. D’où la présence généralisée d’œuvres de canalisation de l’eau, qui ont demandé une grande ingéniosité et un entretien assidu. On pourrait appliquer à bien d’autres réalités de la montagne méditerranéenne les remarques que Jacques Berque a réservées aux travaux de canalisation des Seksawa du Haut-Atlas. Ici, observait-il, le système de distribution de l’eau atteint une « inquiétante perfection » : c’est une construction sociale débordante, un « luxe morphologique » qui s’oppose à la « mesquinerie » de l’environnement naturel (Berque, 1955, p. 442). La présence de l’eau en montagne est associée au phénomène de l’érosion. Plus abondante et plus rapide qu’ailleurs, à cause de la pente, l’eau des torrents montagnards a une forte capacité d’usure du sol. Les pluies intenses et l’alter- nance du gel, dégel, regel exaltent l’action érosive. À cela s’associe l’effet de la gravité, favorisant les éboulements et les avalanches. Sans compter, enfin, l’ac- tion des hommes, qui en réduisant la couverture végétale a souvent accentué les effets de l’érosion.

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