Montagne | Albera, Dionigi

Montagne 986 économique précoce, liée à la production de la soie, avec des relations étroites, dès le xviii e siècle, aussi bien avec les marchands marseillais qu’avec les fabri- cants de Lyon. Et c’est encore le Mont-Liban qui est le moteur de la création de l’État libanais. Sur la rive nord, plusieurs recherches ont montré, chiffres à l’appui, que l’es- pace alpin a présenté une alphabétisation précoce (dès le xvii e siècle) et que les niveaux d’instruction sont en moyenne plus élevés que dans les plaines environ- nantes, l’alphabétisation ayant en général tendance à augmenter avec l’altitude. Ce phénomène a été mis en relation avec une importante ouverture des villages d’altitude, notamment à travers des mobilités temporaires. Cela contraste avec le sens commun et donne forme à ce qui a été défini comme le « paradoxe alpin » (Viazzo, 1989). Nous retrouvons des ingrédients similaires dans l’Albanie du Sud, où un ethnographe relate que dès les années 1930, grâce à l’argent rapporté par l’émigration, les villages de la montagne « étaient déjà équipés d’éclairage public, de rues pavées et de l’eau courante, alors que les villages de la plaine attendent toujours aujourd’hui de telles innovations ». Certaines nouveautés, comme les vêtements européens, le mobilier, les façons de manger ou de danser, s’étaient répandues dans la région via la montagne (De Rapper, 2002). Un déclin de la montagne ? Si dans le passé le déséquilibre entre la montagne et la plaine a été moins pro- noncé par rapport à ce que le sens commun a tendance à penser, l’irruption de la modernité a beaucoup modifié les termes de la comparaison. Les nouvelles tech- niques agricoles ont pénalisé les cultures de la montagne, qui se prêtent moins à des formes d’exploitation avec les machines. Une série de handicaps a marqué la montagne en ce qui concerne le développement des nouvelles infrastructures (réseaux routier et ferroviaire, santé, enseignement). L’impact de la modernité a aussi produit des mouvements massifs de population, qui ont parfois assumé les contours d’un véritable exode. Actuellement, on assiste à un contraste marqué entre la montagne euro- péenne, cette terre d’abandon qui a vécu un dépeuplement massif commencé souvent au xix e siècle et achevé au xx e , et la montagne du Sud et de l’Est de la Méditerranée, qui connaît encore des taux importants de peuplement, tout en étant intéressée par des phénomènes migratoires notables. Par exemple, les populations montagnardes du Maroc ont fait enregistrer une croissance de 18 % entre 1982 et 1994 (à peine plus faible que celle de l’ensemble du pays, qui a été de 22 %). À la fin du xx e siècle, la montagne marocaine avait une densité moyenne de 47 habitants au kilomètre carré, arrivant à 109 pour le

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