Monothéisme | Boudignon, Christian

Monothéisme 972 réussit à troubler la conscience des croyants des religions traditionnelles. Car l’idée monothéiste était particulièrement choquante pour l’immense majorité des habitants de l’Empire romain. En refusant la religion traditionnelle, et plus particulièrement en s’abstenant du culte rendu à l’empereur, les chrétiens appa- raissent comme de dangereux délinquants. La foule s’en prend donc souvent à cette minorité, qui attire la colère des dieux sur l’Empire en refusant de sacrifier aux dieux. Dans le récit du martyre de Polycarpe de Smyrne, un des premiers récits sur les martyrs chrétiens, la foule s’excite contre les premiers chrétiens qui viennent de mourir dans l’arène : « Enlève les athées ! » crient-ils au procon- sul. Les chrétiens sont vus comme des athées parce qu’ils refusent le culte des dieux traditionnels (tout comme les juifs dans certains textes gréco-romains ; mais leur statut juridique était autre). Les chrétiens, comme par exemple l’apologiste Tatien au ii e siècle, vont défendre le monothéisme sous le terme monarchia . Pourquoi cet emploi de monarchia plutôt que « monothéisme » ? Peut-être que « monothéisme » évoquait par trop le délit d’« athéisme ». Et puis ce mot de monarchia a également une connotation positive, puisqu’il évoque l’« unité de commandement » qu’est l’Empire romain, « monarchique » au sens où nous l’entendons en français. Pour faire passer l’idée, les chrétiens, après le philosophe juif Philon, vont donc recourir au terme monarchia , littéralement « unité de principe » au sens où il n’y a qu’« un seul (monè) principe (archè)  », Dieu. Les chrétiens se présentaient ainsi comme loyalistes à l’Empire. Le chris- tianisme finit par triompher au iv e siècle parce qu’il ajoutait à la croyance en un Dieu unique transcendant, et au culte sans image qu’il héritait du judaïsme, une espérance de résurrection personnelle, un certain égalitarisme social et une exigence morale séduisante. Le christianisme eut l’appui de l’Empire romain à partir du règne de l’empereur Constantin (310‑337), et en 392, l’empereur Théodose interdisait le culte païen en proscrivant les sacrifices. On a peine à imaginer aujourd’hui le bouleversement que représente la diffusion du mono- théisme chrétien dans l’Empire romain. Paul Veyne, dans son livre Quand notre monde est devenu chrétien , affirme à propos du christianisme qu’il s’agit d’un « chef-d’œuvre si original que, dans notre moitié du monde, il a désormais dicté la mode : il a provoqué une coupure géologique dans l’évolution bimillénaire des religions, ouvert une ère nouvelle pour l’imagination qui les crée et servira de modèle aux religions qui lui succé- deront : manichéisme ou islam. Quelles que soient leurs différences, toutes trois n’ont plus rien de commun avec les vieux paganismes ; elles ont un prophète, historicisent la Vérité et le salut, ont un livre saint dont elles font un usage litur- gique et ignorent le sacrifice d’animaux […] ». En bref, le christianisme a imposé son modèle monothéiste à tout le bas- sin méditerranéen, et de là aux marges et dépendances de la Méditerranée

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