Monothéisme | Boudignon, Christian

Monothéisme 970 La cristallisation du monothéisme : ii e siècle av. J.‑C. On lit une petite histoire très significative dans le second livre des Maccabées. Sous Antiochos IV Épiphane, au ii e siècle av. J.‑C., Jérusalem a été « refon- dée » par le grand prêtre juif Jason, et certains de ses habitants sont devenus citoyens « grecs » de cette nouvelle fondation, sous le nom d’« Antiochiens » de Jérusalem : « Alors qu’on célébrait à Tyr des jeux quinquennaux auxquels le roi (Antiochos IV Épiphane) assistait, l’ignoble Jason envoya des Antiochiens de Jérusalem y assister avec 300 drachmes d’argent destinées au sacrifice en l’hon- neur d’Héraclès. Mais ceux qui les portaient demandèrent qu’elles ne fussent pas utilisées pour le sacrifice, parce que cela ne convenait pas, mais qu’on les affectât à une autre dépense. Ainsi, cet argent destiné par celui qui l’envoyait au sacrifice en l’honneur d’Héraclès servit, grâce à ceux qui l’apportaient, à l’équi- pement des trières. » (II Maccabées, iv, 18‑20.) Dans ce texte écrit pourtant par un opposant à l’hellénisme, même les Judéens hellénisés refusent de sacrifier à Héraclès. Cela signifie que l’exclusivisme mono- théiste avait aussi atteint les franges les plus « libérales » des habitants de Jérusalem qui étaient devenus citoyens grecs. Sur cette question, le grand prêtre juif Jason paraît ainsi désavoué par le corps de citoyens qu’il a lui-même fondé. Le mono- théisme est donc dominant à Jérusalem à cette époque chez les juifs. Et c’est justement sur cette question qu’éclate la crise qui va donner nais- sance au ioudaïsmos , le « judaïsme », viscéralement opposé au paganisme grec. En 168 av. J.‑C., le successeur et rival de Jason, le grand prêtre Ménélas, conduit Antiochos IV Épiphane dans le temple de Jérusalem. Une statue à Zeus Olympios y est élevée et la pratique du judaïsme est interdite. Pour les Grecs, il s’agit sans doute d’une réinterprétation religieuse : le dieu du temple de Jérusalem est assi- milé au dieu suprême du panthéon grec, Zeus Olympien, ou dans le panthéon sémitique à Baal Chamêm. Mais le monothéisme ne peut accepter cette réin- terprétation, il n’y a qu’un seul dieu, il n’y a donc pas d’autre système religieux possible. Dans le premier livre des Maccabées (I, 54) et dans le livre de Daniel, cette statue est appelée « Abomination de la désolation » (chiqqouts mechomem) , avec sans doute un jeu de mots sur le nom du dieu Baal Chamêm . La guerre de libération menée par Judas Maccabée, qui suit cette crise, rend obligatoire le monothéisme. Un État juif se mettra progressivement en place qui durera jusqu’à la prise de Jérusalem par Pompée en 63 av. J.‑C. Cette résistance reli- gieuse au paganisme est constitutive des monothéismes chrétien et juif rabbi- nique, tous les deux issus de cette forme de judaïsme hellénistique. Les martyrs chrétiens trouveront un modèle dans les martyrs de l’époque des Maccabées.

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