Modernité | Burke III, Edmund

Modernité 956 À la suite des voyages de découverte du xvi e siècle, la région s’est ouverte à de nouvelles contrées, les Caraïbes, l’Amérique latine et la côte d’Afrique de l’Ouest. Des techniques agricoles et des semences, des systèmes de gestion de l’eau et une foule de complexes technologiques auparavant enracinés en Méditerranée se sont diffusés autour du monde dans le cadre des empires ibériques des débuts de l’ère moderne. Simultanément, des cultigènes américains tels que les piments, les tomates, les pommes de terre et le maïs (à l’origine des gnocchis et de la polenta) sont venus enrichir le régime alimentaire méditerranéen et ont contribué à dynamiser la croissance démographique moderne (Crosby, 2003). Au xvi e siècle, la diaspora des juifs et des musulmans ibériques a noué des liens nouveaux et puissants au sein même de la Méditerranée et avec l’extérieur. Enfin, autre signe de la mondialisation de la Méditerranée, l’avènement du transport par bateau à vapeur, peu onéreux et fiable, au xix e siècle, a encouragé des migra- tions à grande échelle vers les Amériques, l’Afrique et l’Australasie. Décidément, la Méditerranée a toujours été dans le monde et le monde dans la Méditerranée. Modèles de modernité méditerranéenne au cours du long xix e siècle Au fil du « long xix e siècle » (1750‑1914), les sociétés méditerranéennes ont été fortement ébranlées par les forces de la double révolution (industrielle et démo- cratique). Toutefois, ces changements ont été vécus différemment par les socié- tés méditerranéennes que par celles d’Europe du Nord. Dans ces dernières, après quelques difficultés initiales, des États forts et des économies industrielles solides ont été installés au xix e siècle. Le processus a été plus laborieux pour les sociétés méditerranéennes. De manière générale, la formation des États s’est faite lente- ment ou incomplètement, les élites locales étant âprement divisées sur la néces- sité et les objectifs des réformes. Les sociétés méditerranéennes se caractérisaient toutes dans une certaine mesure par : un lien semi-périphérique avec le système capitaliste mondial ; des structures étatiques faibles ; une formation de classes sociales retardée ou en demi-teinte ; un sous-développement agraire et une place toujours importante du pastoralisme. La région a vu l’émergence de types lar- gement similaires de formations sociales, d’élites, d’oppositions et de vecteurs de conflits. En dépit de variations locales, des schémas communs peuvent être dégagés dans leurs réponses aux défis de la modernisation. Jusqu’ici, nous avons constaté que la transformation de la région dans son ensemble était façonnée par des considérations éco-historiques et structurelles, plutôt que par de supposés facteurs civilisationnels. En outre, du point de vue

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