Métropole | Peraldi, Michel

Métropole 930 Métropole Comme sa racine grecque l’indique ( mêtêr , « mère »), une métropole n’est pas une grande ville qui serait seulement un peu plus grande que les autres. Elle est une exception, la ville-mère, l’unique en son genre. Si l’on étend à l’ère contempo- raine ce caractère exceptionnel, les métropoles d’aujourd’hui ne sont pas unique- ment des villes très étendues, plus étendues que la moyenne des villes « ordinaires », elles ont quelque chose d’excessif, d’exorbitant, elles sont la démesure des phéno- mènes urbains moyens du pays et de la société qu’elles vampirisent. En ce sens, le phénomène métropolitain n’est pas nouveau, il semble même coextensif à l’exis- tence des empires. Rome à l’ère de l’apogée impérial est métropole, unique, exces- sive, mondiale, quand l’humanité vit en village. Constantinople lui succède et c’est d’ailleurs l’étrange et la plus grande singularité d’Istanbul que d’être la plus vieille métropole connue, car, à quelques moments près de son histoire, elle n’a jamais cessé d’être métropole. Elle est d’ailleurs, avec Le Caire, mais pour des raisons différentes, la seule ville méditerranéenne qui mérite de porter ce nom. Pour ce qui est de l’époque contemporaine, si le siècle industriel n’a donc pas inventé les métropoles, on peut penser cependant qu’il les a banalisées en enlevant au poli- tique le principe univoque de formation de la dérive métropolitaine. En somme, jusqu’à l’ère industrielle, il faut l’empire pour faire une métropole, il faut la déme- sure d’un principe de domination pour faire de la démesure urbaine. Rome donc, mais Londres aussi lorsque le capitalisme impérialiste anglais domine le monde. D’ailleurs, Londres, New York et Tokyo sont encore à leur manière le prolonge- ment de cette généalogie impériale des métropoles dites « globales ». C’est parce qu’elles dominent des dispositifs économiques à l’échelle du monde que ces villes s’accroissent, agglutinent des humanités qui font d’elles des continents, plus vastes que des nations. Le seuil des 20 millions d’habitants est aujourd’hui largement dépassé pour ces villes mondiales qui atteindront probablement les 30 millions d’habitants très prochainement. Si ces villes ont pu atteindre ce seuil de déme- sure, cette singularité, c’est parce qu’elles dominent une grande part des éco­ nomies mondes contemporaines, non pas politiquement mais selon les moyens

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