Métissage | Bonniol, Jean­-Luc

Métissage 925 Métissage Forgé au début du xix e siècle, et utilisé à l’origine dans la zootechnie, le terme métissage se situe d’abord dans la sphère savante. Il se fonde sur le terme plus ancien de métis (dérivant du bas-latin mixticium , lui-même issu du verbe miscere , « mélanger »), popularisé à l’époque où furent massivement mis en contact les hommes des différents continents restés jusque-là largement sépa- rés, c’est-à-dire à l’aube des rencontres coloniales, du fait de la nécessité de dési- gner les individus issus de ces rencontres improbables entre dissemblables. Les logiques cognitives qui sous-tendent ce mode de désignation se déploient dans le champ de la sexualité, de la biologie de la reproduction et de la transmission des caractères, où sont actionnés des dispositifs distinctifs supposés saisir une réalité « naturelle », mais qui s’articulent en fait à la « conscience d’une dis- tance » entre les géniteurs, appuyée sur les seuls contrastes qui touchent à cer- tains caractères visibles. Le discours biologique savant n’a fait que récupérer au xix e siècle un objet défini par ces représentations collectives, inscrites dans l’argumentaire essentialiste dans lequel s’est cristallisée la notion de « race » du xvi e au xviii e siècle. Alors qu’il avait été entouré jusque-là d’une charge négative, née des préjugés coloniaux, le terme « métissage » a poursuivi dans la seconde moitié du xx e siècle, mais cette fois de façon largement positive, sa trajectoire métaphorique du bio- logique – et du social qui lui est corrélé – vers le culturel, avec la mise en évi- dence, dans les rencontres de cultures, de nouvelles configurations caractérisées par les interpénétrations d’éléments de diverses origines. Cette extension méta- phorique a cependant l’inconvénient d’entraîner des effets de sens incontrôlés, du fait de la charge originelle de termes anciens, déjà érodés, lourds de conno- tations qui peuvent se plaquer, de manière subreptice, sur les nouveaux réfé- rents qu’on voudrait leur attribuer… De fortes critiques ont en particulier été émises sur un des présupposés majeurs charriés par la notion, à savoir l’idée d’une pureté originelle et essentielle des cultures en contact (que l’on peut sup- poser déjà composites…). C’est dire la prudence lexicale dont il faut s’entourer

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