Mégapole | Ilbert, Robert

Mégapole 908 Mégapole Le mot « mégapole » n’apparaît qu’exceptionnellement dans les dictionnaires sinon comme synonyme de mégalopole, appellation géographique confirmée depuis que Jean Gottmann (1961) a décrit la megalopolis du Nord-Est des États-­ Unis. Après Roger Brunet au tournant des années 1990, les mégalopoles sont devenues un des objets principaux de la recherche géographique, jusqu’à être présentées (Sassen, 2001) comme des « îles » à la fois reliées entre elles et déter- ritorialisées, formant des réseaux en « apesanteur ». Ce caractère d’apesanteur permet de préciser pourquoi l’expression de « mégapole méditerranéenne » a été vigoureusement défendue au début des années 1990 par Claude Nicolet, antiquisant et alors directeur de l’École fran- çaise de Rome, pour décrire ce qui lui semblait être une spécificité de l’espace méditerranéen : des villes à valeur de cités-mondes, pérennes au-delà de leurs vicissitudes temporelles. Ainsi de Rome, ville-monde au moins dans l’imaginaire collectif malgré les sacs dont elle fut victime, ou d’Alexandrie qui, même réduite à un grand village assoiffé durant les siècles ottomans, n’en restait pas moins impressionnante et quasiment mythique, aussi bien pour les pèlerins que pour les membres les moins scientifiques de l’expédition de Bonaparte en Égypte. Parce que cette dimension à la fois universelle et mythique a semblé stricte- ment méditerranéenne, « Mégapoles » est devenu un programme de recherche international débouchant en 1996 sur un grand colloque à Rome. À la suite de cette rencontre, un volume de référence a paru ; il aurait dû être accompa- gné d’un atlas « rétrospectif » parce que les promoteurs du programme étaient conscients de marcher sur un terrain à appellation géographique déposée, Marcel Roncayolo et Claude Nicolet défendant une géohistoire en devenir. Les mégapoles définies dans cette perspective sont donc des cités-mondes que l’on ne peut réduire à leur période de splendeur et qui irriguent les siècles ; ce sont ces très grandes cités qui ont survécu par-delà les vicissitudes de l’his- toire. Ce faisant, elles sont exceptionnelles et à vrai dire, en Méditerranée, seule Constantinople-Istanbul en présente tous les traits.

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