Médecine | Buzzi, Serena; Ferracci, Elsa

Médecine 892 des hommes. La précision de leurs descriptions anatomiques et physiologiques dévoile pour la première fois les valvules du cœur, les ventricules de l’encéphale ou les quatre membranes de l’œil. À l’époque hellénistique, les progrès accom- plis dans la connaissance du corps humain marquent une véritable rupture avec la médecine hippocratique, en ce qu’ils témoignent de l’avancée d’un empirisme véritable, où le réel s’impose à la théorie et non l’inverse. Dans un tel contexte, il est paradoxal que Rome ne connût son premier méde- cin que bien tard – en 219 av. J.‑C. En effet, selon Pline l’Ancien, jusqu’à l’arri- vée du Lacédémonien Archagathos, fils de Lysanias, les Romains vécurent « sans médecins, mais non cependant sans médecine » ( Hist. nat. , XX, 78 annis DC ). Rome se constituera toutefois comme un centre médical important à l’époque de Galien (129‑216 apr. J.‑C.), en même temps qu’Athènes, Corinthe, Cos, Cnide, Antioche, Smyrne, Pergame et bien sûr Alexandrie. La multiplication des centres de formation s’accompagne d’une progressive circulation de la connaissance médi- cale dans l’aire méditerranéenne tout entière. La constitution d’une corporation médicale à Rome, au début de l’Empire, s’effectue d’ailleurs à la suite d’un afflux de médecins et d’un développement général de l’art médical ; les connaissances des médecins romains, quant à elles, étaient pour la plupart dues à des Grecs tels que Soranos d’Éphèse, Dioscoride, Rufus ou Arétée de Cappadoce. Sur le plan conceptuel cependant, diverses écoles rivales s’affrontent dans la capi- tale de l’Empire. Les âpres luttes entre méthodiques, empiriques et dogmatiques laissent ainsi entrevoir des affrontements doctrinaux que Galien juge stériles, et sou- vent dangereux pour les patients – surtout quand les disputes sont tenues au che- vet même du malade, comme le dénonce Pline l’Ancien. Les tenants des diverses écoles, entre primauté absolue donnée tantôt à l’expérience, tantôt au raisonne- ment, ne laissent que peu de place à une réflexion objective, et seul Galien affirme son autonomie intellectuelle, bien qu’il soit un fervent admirateur d’Hippocrate dont il commentera de nombreuses œuvres. Originale et fondatrice, la pensée galé- nique se caractérise par une volonté de réunir en un système unifié et cohérent l’en- semble des connaissances sur les diverses parties de l’art médical. C’est dans cet effort remarquable de synthèse, qui allie à parts égales raisonnement et expérience, et où analyse anatomique et physiologique, conception globale de la santé et méthode thérapeutique sont en correspondance parfaite, que réside le succès de la méde- cine de Galien. Traduite en syriaque dès le vi e siècle, puis en arabe, elle constituera une véritable vulgate pour la médecine du Moyen Âge et de la Renaissance – aussi longtemps qu’un nouveau saut épistémologique ne sera pas mis au jour. Pourtant, c’est souvent l’esprit même de la médecine hippocratique que l’on reconnaît chez Galien. Refus de la force, du spectaculaire ou de la violence dans les traitements, prise en compte de l’environnement du malade, respect des habitudes ainsi que des cycles naturels, importance des évacuations, nécessité de l’examen du patient

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