Médecine | Buzzi, Serena; Ferracci, Elsa

Médecine 891 de l’ Ancienne médecine . Cette première épistémologie fonde la médecine comme technè constituée, comme première « science de l’homme », et brosse en consé- quence les traits de la figure du médecin. Ce dernier doit en effet se distinguer des guérisseurs, des « coupeurs de racines » ou des « vendeurs de drogues » que dénonce l’auteur de Maladie sacrée , mais aussi des figures populaires de la sage- femme, du maître de gymnastique ou du simple profane. Dans un contexte social où aucune qualification professionnelle n’était admise par la loi, il était aisé de se trouver accusé de charlatanisme : la maîtrise d’un art reconnu et efficace pouvait seule garantir le praticien – et sa renommée – contre des accusations capables de ruiner sa crédibilité. La pratique du pronostic, bien discutable aux yeux des modernes et parfois rapprochée de pratiques magiques, passe en réalité pour un savoir efficace, qui permet de prédire le cours d’une maladie par la maîtrise de l’art, sans recourir aux dieux. Cette maîtrise du pronostic, à laquelle est consacrée la totalité du traité hippocratique du Pronostic , permet également au médecin de restreindre son intervention aux cas qu’il sait pouvoir guérir ; ainsi il ne se char- gera pas des cas désespérés, ce qui distingue sa pratique de celle du charlatan en quête de guérisons spectaculaires. La naissance de la séparation entre guérison et médecine est à rechercher dans ces distinctions fondatrices, qui établissent les bases tant d’une profession que d’une compétence. C’est ainsi que le modèle du « médecin idéal », dont l’archétype fut, dès l’Antiquité, Hippocrate de Cos, coïn- cide avec l’émergence de la figure même du médecin comme « homme de l’art », et édicte des principes déontologiques (« d’abord ne pas nuire ») garants de la confiance nécessaire à l’épanouissement de toute une profession. Cette richesse théorique, conceptuelle, méthodologique de la médecine telle qu’elle se constitua en Grèce à partir de l’aire égéenne ne doit pas faire oublier que, de façon presque concomitante, se développa en Sicile une florissante école de médecine, et que dans les villes de Grande Grèce, dans la première moitié du iv e siècle av. J.‑C., exerçaient des médecins renommés comme Philistion de Locres, qui aurait influencé le Timée de Platon. Plusieurs autres centres médi- caux – au nombre desquels il faudrait ajouter celui de Rhodes, tôt disparu – ont donc exercé dans divers espaces méditerranéens une influence sur le développe- ment de l’art médical. Aucun cependant ne nous a légué de sources textuelles qui puissent nous renseigner sur leurs pratiques. Il faut attendre le iii e siècle av. J.‑C., à Alexandrie, centre culturel bril- lant depuis les conquêtes d’Alexandre, pour qu’une nouvelle rupture épisté- mologique se produise : l’anatomie humaine, jusqu’alors bien mal connue et presque inexplorée, se révèle par la pratique de la dissection à Hérophile puis Érasistrate. Là où les auteurs hippocratiques employaient le raisonnement ana- logique, reconstituant le fonctionnement du corps par la pensée, les médecins alexandrins exercèrent l’art de la dissection, non plus sur des animaux mais sur

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