Médecine | Buzzi, Serena; Ferracci, Elsa

Médecine 896 les premières décennies du xiii e siècle. Les armées de la quatrième croisade prennent Constantinople aux Byzantins en 1204, confirmant la ruine de l’Orient au profit de l’Occident. Après ces bouleversements géopolitiques, les lettrés grecs partent pour l’Europe, désormais capable d’appréhender la pensée antique sans intermédiaire. Comme Bologne, Montpellier ou Paris, qui ont créé des universi- tés avec leurs maîtres et leurs élèves, d’autres petites villes se dotent d’institutions où l’on enseigne l’universalité du savoir dans tous les domaines de réflexion philo­ sophique, touchant à l’étude de la physique. Le nombre des universités augmente, car les villes y voient un élément de prestige et une attraction pour les étudiants, et les princes mécènes les multiplient par souci de propagande. La vie d’Arnaldo de Villanova (environ 1235‑1315), connu en France sous le nom d’Arnaud de Villeneuve, illustre bien l’importance des universités à cette époque. Catalan, formé à Salerne, il fréquente, selon la mode, la plupart des grandes universités européennes, s’imprègne de toutes les sciences, et se fixe dans la ville la plus cos- mopolite, Montpellier, où il rédige un Bréviaire et un Régime de santé  ; dans ces ouvrages, il s’efforce de réunir toutes les doctrines médicales ayant cours à son époque et il rassemble toute la flore médicale connue des spécialistes. La rupture avec la tradition classique commence avec l’avènement d’une vision concrète et réaliste de l’anatomie. On étudie les organes et les tissus de cadavres, alors que Galien pratiquait la dissection uniquement des singes. Cet intérêt pour la vérité objective implique l’observation du corps humain par les médecins, mais aussi par des artistes tels que Léonard de Vinci (1452‑1519). Ce chemin a été ouvert par Mondino dei Liuzzi (1275‑1326), auquel nous devons la première ostensio anatomique. De nombreuses facultés de médecine, comme Padoue, Montpellier ou Paris, autorisent la construction de bâtiments réser- vés à l’usage des anatomistes. Sur le plan clinique, la chirurgie exprime de nou- velles idées avec de grands personnages comme Ambroise Paré (1509‑1590), qui ne cesse d’affirmer la primauté de l’expérience et de l’observation. Toutefois, il faut attendre André Vésale pour que se fasse le vrai saut épistémique au sein de l’anatomie. Ce dernier n’hésite pas à contredire Galien et les maîtres de la tradition ; il rejette aussi la représentation imaginaire du rete mirabile faite par Léonard de Vinci. L’œuvre anatomique de Vésale (1514‑1564) domine celle de ses prédécesseurs par son souci de rationalité. Son originalité réside dans sa volonté d’établir une nomenclature anatomique, mais surtout de décrire ce qu’il observe. Il détaille les structures du corps humain et constate que certains organes portent plusieurs noms alors que d’autres ne sont pas désignés. Il fait alors des choix et adopte le latin comme langue communément utilisée, si bien que son œuvre, la Fabrica , se répand rapidement dans tous les pays d’Europe. Dans le cadre de la clinique, la rupture la plus forte avec la traditio a lieu grâce à la pen- sée de Theophrastus Bombastus von Hohenheim, dit Paracelse (1493‑1541),

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