Mauvais œil | Zirari, Hayat

Mauvais œil 884 La protection de base face à la permanence de l’atteinte par l’œil serait de cacher à autrui l’état réel de sa réussite et de ses biens . Ne pas afficher son bon- heur, ses biens ou sa réussite protégerait de l’envie et de la jalousie car « se donner à voir, c’est s’exposer au mauvais œil : on craint parce qu’on possède » (Radi, 2014, p. 38). Le recours à la parole divine est le réflexe à adopter au quotidien. La parole de Dieu est le premier antidote censé faire partie du langage usuel quotidien : « tbark Allah » (que le nom de Dieu soit béni), « lah yhfed » (que Dieu te garde), « assalat ‘ala anabi » (bénédiction et salut sur notre Prophète) sont autant d’expressions uti- lisées et destinées à maîtriser aussi bien le regard de l’autre – qui peut être néfaste – que celui que l’on adresse soi-même à autrui. De plus, cela démontre l’ancrage d’une représentation collective partagée dans les représentations collectives, quand bien même il s’agit de regards aimants, « œil de l’amour » ou ‘ayn al-mahabba de personnes proches (parents à l’égard de leurs enfants, sœurs…) que l’on couvre de louanges et d’expressions admiratives et que l’on peut exposer à l’effet insai- sissable de l’œil susceptible de lui porter préjudice (Westermarck, 1935, p. 35). Par ailleurs, plusieurs observations de terrain ont confirmé l’hypothèse d’une association assez fréquente entre la survenue de l’effet du mauvais œil et des situa- tions particulières dont les plus récurrentes seraient en relation avec des phases de transition ou de passage d’un état à un autre : accouchement, grossesse, circoncision, mariage, changement de statut, ou encore acquisition d’un bien matériel. Le regard des personnes ayant des statuts socialement ou physiquement défavorisés, ou marginales telles que les femmes stériles, les femmes seules, les personnes qui louchent ou qui sont borgnes, est considéré comme potentiel- lement dangereux. Un stigmate qui sert à justifier une hostilité fondée sur des différences physiques, sociales et de genre . Le mauvais œil assèche et cause notamment la déshydratation des enfants, de la mère allaitante (tatnchef ) (Djeribi, 1988), des vaches laitières, des arbres fruitiers. Il rend impuissant et assèche la source de jaillissement de la vie. La maternité est souvent considérée comme une période de la vie durant laquelle la mère comme le bébé – qu’il soit à l’état fœtal ou lors des premières années après sa naissance – sont exposés à plusieurs menaces ou dangers (Bonte, 2000). Les fumigations constituent une autre pratique courante au Maghreb – savoir-faire maîtrisé par les femmes –, dont l’odeur est censée dissuader le regard envieux et chasser les mauvais esprits comme les mauvaises intentions. Les femmes dépositaires de savoir-faire multiples ont recours à la pharmaco- pée populaire et utilisent les plantes. La rukya (Fahd, 1995) constitue une autre réponse, masculine cette fois, contre le ‘ayn (al-Qahtani, 2002, p. 148) et consiste à émettre des paroles, des incantations du’a , dont la source prophétique viserait à exorciser le mal. D’autres

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