Mauvais œil | Zirari, Hayat

Mauvais œil 881 Cette croyance est assez ancrée au niveau des différentes sociétés et cultures anciennes et contemporaines de la Méditerranée. Que ce soit en Mésopotamie ou dans l’Égypte ancienne, elle est relatée dans les manuscrits les plus anciens (De Martino, 1963). Qu’elles soient musulmane, chrétienne ou juive, les reli- gions la reconnaissent comme une réalité certaine. Le mauvais œil est présent de manière « visible » dans les textes des trois religions monothéistes et y occupe une place importante en rapport avec les notions du bien et du mal, de l’esprit bienfaisant et maléfique, de l’invisible et du visible, du matériel et du symbo- lique, du naturel et du surnaturel, du licite et de l’illicite. La Méditerranée, dont les différentes cultures, communautés et sociétés sont aussi nombreuses que diversifiées, a laissé une large place à cette croyance. Les appellations ont beau varier, elles se rejoignent toutefois dans leur signification. Le mot « œil » s’accompagne le plus souvent d’un adjectif ou attribut tels que harra en hébreu, khayba en dialecte arabe marocain, dont le sens est « mal ». Le mauvais œil est appelé ‘ayn en arabe classique, titt en amazigh, malocchio en ita- lien, mal ojo ou el ojo en espagnol, el ochju ou occiu en Corse, matiasma en grec ou encore oculus malus dans la Rome antique, maldollo en galicien ( ibid. , p. 18). En langue arabe, le mot « œil », tout seul, peut porter en lui le sens de « mal » ou « mauvais ». Dire de quelqu’un qu’il porte le ‘ayn signifie qu’il a le mauvais œil. De l’intention au mauvais œil Le mauvais œil peut être animé par une intention positive. Cette dernière semble déterminante dans les retombées du regard sur autrui. Dans ce sens, le regard de celui qui envie ou convoite le bien, le bonheur, la réussite d’autrui est bien plus efficace. Une autre forme existe cependant, dans laquelle le fait est inten- tionnel. Dans ce cas de figure, l’œil qui « frappe », le mauvais œil (avec ou sans paroles) est animé par une pensée négative : jalousie et envie. Le mauvais œil n’est cependant pas toujours intentionnel. Un regard dépourvu de toute envie, convoitise ou autre sentiment de jalousie envers une personne peut être à l’ori- gine de conséquences négatives sur la santé, le bien-être de celui qui est regardé avec une bonne intention (Douglas, 1992, p. 115). De nombreuses pratiques rituelles (paroles, gestes, symboles…) se sont déve- loppées pour contrer les effets du mauvais œil, s’en prémunir, ou s’en soigner. On peut y retrouver la citation de versets du Coran ou de la Bible, le port d’amu- lettes, de talismans ou de tout autre objet symboliquement protecteur. Certaines personnes semblent plus enclines à « frapper » de l’œil que d’autres. Plusieurs caractéristiques distinguent les personnes susceptibles de transmettre

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