Maternité | Knibiehler, Yvonne

Maternité 866 Évangiles apocryphes diffusés dès la fin du i er et au cours du ii e siècle. Quelques scènes ont particulièrement inspiré les artistes. La Visitation : Marie va voir sa cousine Élisabeth, enceinte du futur Jean-Baptiste, les femmes ayant besoin de communier dans la joie d’enfanter ; elle chante le Magnificat , poème qui dépasse la jubilation des futures mères, il dit l’espérance de tout un peuple, l’espérance du salut. La Nativité : Marie accouche dans le dénuement, mais le nouveau-né vaut toutes les richesses du monde ; les humbles entourent la crèche bien avant les Rois mages. Marie a donné le sein à son Fils. Le lait maternel est doué d’une grande richesse symbolique : nourriture vitale pour le nouveau-né, il évoque aussi le dévouement sans limite de la mère, l’oblation de son corps, la relation intime et charnelle qu’elle garde avec son petit. Le lait de la Sainte Vierge symbolise sa compassion inépuisable pour les pauvres humains ; aux yeux des mystiques, il figure la grâce divine, nourriture de l’âme. Marie est souvent représentée lisant un livre pieux : l’Église a toujours insisté sur le rôle éducatif de la mère chrétienne. Si elle ne participe guère à la vie publique du Messie, Marie est présente au Calvaire : Mater dolorosa , immensité de la douleur, mais résignation muette devant le sacrifice accepté par le Fils. Jésus crucifié, voyant à ses pieds sa mère et son disciple Jean, dit à Marie : « Femme, voici ton fils », et à Jean : « Voici ta mère. » Il désigne ainsi Marie comme mère de tous les dis- ciples, de tous les chrétiens à venir, médiatrice par excellence. Marie est l’être humain le plus proche de Dieu, à la fois fille, épouse et mère de Dieu. Reine du ciel. Mater gloriosa . Le culte de Notre-Dame connaît une brillante expansion à partir du xi e siècle. C’est alors que se diffuse le mot maternitas , maternité , pour désigner spéciale- ment la fonction spirituelle de la Vierge Marie. Au temps de la Réforme, les protestants marquent une rupture : Marie a porté le Fils de Dieu, mais, séparée de son fruit, elle n’est plus qu’une simple femme, aucun culte ne lui est dû. L’Europe méditerranéenne, restée « catholique », conserve pourtant à la Sainte Vierge une vénération particulière. Les apparitions de celle-ci, accompagnées de miracles, se multiplient au xix e siècle, à la Salette, à Lourdes, à Fatima, en Bosnie (Medjugorje, 1981), déplaçant des pèlerins tou- jours très nombreux. La mère du Christ n’est pas seulement une consolatrice. Elle met à distance la biologie et la reproduction de l’espèce, sa relation avec le père et avec le fils est d’ordre spirituel. L’Assomption transfigure la maternité en l’élevant au-dessus de la nature, et même au-dessus de l’affectivité : aux femmes les plus humbles, elle ouvre un accès à la transcendance. Les rives orientale et méridionale de la Méditerranée ont été conquises par l’islam au cours des vii e et viii e siècles de l’ère chrétienne. L’islam accorde à Ève et à Marie une certaine considération, mais il enseigne aussi qu’une distance infranchissable sépare Allah tout-puissant de ses créatures. La mère du prophète

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