Maternité | Knibiehler, Yvonne

Maternité 863 Maternité Dans l’Antiquité classique, le mot maternitas n’existe ni en grec, ni en latin : c’est dire que le concept manque encore de consistance. D’abord assemblage de mythes, de croyances, de rites, il se construit ensuite à partir du droit et des sciences médicales. Son élaboration est riche et complexe sur le plan symbolique. Les Grecs et les Romains ont eu besoin de trois déesses pour installer la maternité sur l’Olympe : Déméter (Cybèle) figure la fécondité, Héra (Junon), le mariage, et Aphrodite (Vénus), la sexualité : « Tout est né d’elle », dit Euripide. Les trois autres olympiennes sont vierges. Le culte de Déméter, associé à celui de sa fille Coré, fut, semble-t‑il, le plus ancien, le plus populaire et le plus vivace de la religion hellénique. Proche de Rheia sa mère et de Gaïa son aïeule, mères primordiales qui ont su protéger leurs enfants contre la brutalité des pères, Déméter, la nourricière, fait germer les grains et pousser les plantes, elle initie les humains à la vie prévoyante et orga- nisée. Coré, vierge du printemps, symbole du renouveau, s’occupe à cueillir des fleurs au moment où Hadès, dieu des Enfers, l’enlève et l’épouse, avec l’accord de Zeus, roi des dieux et père de la jeune fille. Déméter ne supporte pas cette séparation : sa douleur se déchaîne à travers le monde, arrêtant toute vie ; les humains meurent de faim, et les dieux ne reçoivent plus d’offrandes. Zeus se résigne à accepter un compromis : Coré-Perséphone reviendra chaque année au printemps passer avec sa mère les longs mois de la belle saison. À Athènes, les fêtes en l’honneur de Déméter, les Thesmophories, sont célébrées au moment des semailles d’automne par les femmes mariées, dont la fécondité est assimi- lée à celle de la terre. Déméter propose aussi, dans son sanctuaire d’Éleusis, des voies d’accès à la vie éternelle. D’autres récits mythiques montrent des sentiments maternels tissés d’inquié- tude, de démesure, de haine. Thétis, mère abusive, veut retenir son fils Achille loin des combats. Niobé est trop orgueilleuse de sa nombreuse progéniture. Jocaste commet l’inceste (inconsciemment, il est vrai). Les Amazones, femmes guerrières, refusent de reconnaître les pères, et mettent à mort leurs enfants

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