Mamelouks | Denoix, Sylvie

Mamelouks 833 al-a‘shâ , encyclopédie des formulaires et des pratiques de chancellerie. Ces let- trés écrivent aussi des livres d’histoire, des descriptions topographiques (khitat) comme l’ouvrage éponyme d’al-Maqrîzî (1364‑1442) qui, à la suite de périodes de crise, rend compte de la ville et du pays avant que la ruine ne les emporte, des chroniques, comme celles d’al-Maqrîzî encore, les Sulûk , ou d’Ibn Taghrî Birdî (1409‑1470), les Nujûm , ou des dictionnaires biographiques, comme celui d’al-Sakhâwî (1427‑1497), Al-Daw al-Lâmi‘ (voir titres complets et descriptif de ces œuvres dans Loiseau, 2010, p. 494‑497). Certains de ces lettrés sont issus de dynasties d’oulémas comme al-Maqrîzî, d’autres sont fils ou petits-fils de mamelouks, comme Ibn Taghrî Birdî, ce qui est encore un indice de la porosité de la frontière entre ces deux groupes élitaires. À eux tous, ils forment un corps d’intellectuels, hommes de savoir religieux et profane, qui assure l’administration du domaine mamelouk. Une économie qui repose sur les richesses de l’agriculture et sur le grand commerce international « L’Égypte est un don du Nil. » La fameuse phrase d’Hérodote signifie que, sans ce grand cours d’eau, issu des hautes terres africaines, le pays des pharaons serait resté un désert quasiment inhabité. Depuis le Néolithique, l’eau du Nil a permis des établissements humains durables, non seulement grâce à l’irrigation, mais aussi par la vertu du limon déposé lors des crues annuelles. L’Égypte, pays à agri­ culture irriguée, a de tout temps eu besoin d’une administration très organisée pour assurer le percement de canaux et leur curetage, l’élaboration des digues et leur entretien (Denizeau, 2010). Et si les mamelouks vécurent en ville où, grands urbanistes, ils créèrent des quartiers entiers, il n’en reste pas moins qu’ils exploitèrent fort bien les campagnes égyptiennes et syriennes, premières sources de revenus, avant même le commerce international. En 1315, le sultan al-Nâsir Muhammad ben Qalâwûn institua un nouveau découpage cadastral (rawq) après lequel 10/24 e des revenus du pays revenaient au sultan et à ses mamelouks ; le reste était constitué de concessions foncières (iqtâ‘-s ) pour rémunérer les émirs et les membres de la garde du sultan, la halqa . Les richesses de l’Égypte reposent aussi, depuis les Fatimides, sur le grand commerce international. Des grands négociants, les Kârimî, font arriver des produits de l’Inde (épices, pierres précieuses, soieries) ou du Yémen jusqu’à la mer Rouge, la vallée du Nil, Le Caire et Alexandrie, où les marchands européens (Génois, Vénitiens, Amalfitains, Barcelonais) viennent les acheter, apportant des richesses du Nord comme des draps, des métaux (fer et or), du bois. Tant que les Kârimî eurent la maîtrise de ces routes, leur fortune et celle de l’Égypte étaient assurées. Tant que les campagnes pouvaient nourrir la population et dégager des surplus de richesse pour la cour et l’armée, le système pouvait

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