Mamelouks | Denoix, Sylvie

Mamelouks 832 Les réussites des Mamelouks C’est donc par la guerre que les Mamelouks se sont imposés à la tête de la société qu’ils gouvernèrent durant deux siècles et demi. C’est par la guerre qu’ils sont arrivés au pouvoir, c’est par elle qu’ils vont s’y maintenir. Cette aptitude à repous- ser les croisés puis les Mongols est la première légitimité des Mamelouks à gou- verner les musulmans, c’est leur première réussite, mais elle n’est pas la seule : il faut ensuite administrer les contrées qui relèvent de leur gestion, ce qu’ils vont faire avec l’aide des élites locales. Un empire administré par un groupe de lettrés productif Le groupe social des oulémas assure, sous les Mamelouks, comme partout dans le monde musulman, toutes les fonctions religieuses et notariales, la judicature, la production et la transmission du savoir. Ses compétences l’ont amené à gérer aussi les fortunes privées des émirs et des sultans, et à administrer le domaine public. La volonté des Mamelouks d’être des chefs d’État de haut niveau, conjuguée aux compétences des élites locales, a permis au système mamelouk de disposer d’une chancellerie très sophistiquée, apte à gérer les affaires publiques intérieures comme les relations, conflictuelles ou pacifiques, avec les puissances étrangères du temps (royaumes latins des Francs, Mongols, Arméniens du royaume de Cilicie, tributaire des Mamelouks). À l’intérieur du domaine mamelouk, les oulémas, fonctionnaires dont les charges sont attribuées par le pouvoir politique, participent à toutes les tâches de gestion du royaume. Ils contribuent à la mise en place d’un nouveau cadastre des terres égyptiennes, au début de la période, afin de répartir les revenus de l’ iqtâ‘ , émoluments donnés aux mamelouks en rémunération de leurs services en fonction de leurs grades, et provenant des parcelles de terre dont seul le revenu leur était attribué ; ils assurent la gestion des grands waqf -s des princes dont ils sont souvent les administrateurs ; ils rendent la justice et assurent l’ordre dans les marchés pour faire respecter les normes (justesse des poids et des prix, bonnes mœurs dans les souks…). Dans la chancellerie mamelouke, ils gèrent l’administration interne au royaume, ainsi que les relations avec l’étranger par l’envoi d’ambassades chargées de missives dont la facture est réglementée jusqu’au format du papier. Ces lettrés produisent des œuvres considérables : ils participent à l’élabora- tion du savoir doctrinal : commentaires du Coran (tafsîr) et leurs gloses (sharh-s ) , ouvrages de théologie (kalâm) , traditions prophétiques. Ils rendent compte aussi de leurs pratiques professionnelles au cœur de l’État comme le fit le grand chan- celier, al-Qalqashandî (1355‑1418), avec son manuel en 14 volumes, le Subh

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