Maïmonide | Robberechts, Édouard

Maïmonide 823 des néoplatoniciens grecs : lorsque Maïmonide dénie toute privation à Dieu, il veut dire que la perfection absolue de Dieu inclut toutes ces choses qui ne peuvent lui être prédiquées comme attributs positifs ! Ainsi, l’omnipotence, par-delà le déni de son impuissance, signifie que son action produit les effets les plus parfaits. Et l’omniscience, par-delà le déni d’igno- rance, affirme que l’essence divine est la cause d’actions significatives et inten- tionnelles ! Dieu apparaît comme la cause incompréhensible, la source indicible des actions les plus parfaites, puisque ce que nous nions en le visant, c’est seu- lement l’imperfection des mots et de la pensée par lesquels nous le visons. Lui est « plus » que tout cela, et donc « mieux » dans ses effets que ce que nous pou- vons imaginer ou mesurer. En tant qu’inconnaissable, il est source de tous ces effets qui sont la condition pour que notre intelligence le vise à travers eux : c’est l’action divine dans l’histoire qui porte donc notre intelligence, et bien que nous ne puissions comprendre la source en son essence, nous pouvons la viser et remonter à elle à travers ses effets, c’est-à-dire à travers ses actions. Lui demeure la même essence cachée à travers l’abondance infinie de ses actions. Mais on a ainsi retrouvé le Dieu biblique ! La grâce, la miséricorde et la colère sont comprises comme des attributs de l’action orientés vers une finalité déterminée : bien que Dieu soit au-dessus des effets de la miséricorde ou de la colère, il peut faire acte de miséricorde, car il désire le bien de ses créatures, ou faire acte de colère pour punir les injustices. Maïmonide, ayant nié toutes les privations qui pourraient entacher la perfection de l’activité divine, explique cette activité comme étant la création et le gouvernement providentiel du monde ! Ce point est essentiel pour comprendre l’émergence de la Kabbale à la suite de Maïmonide. De la sorte, l’extinction de notre connaissance aux abords du divin prend un sens positif : elle désigne un « plus » que notre intelligence vise dans toute son activité, parce qu’elle est traversée et portée par ce « plus » indicible et impen- sable qui est la source de toute pensée, parole, action. L’intelligence rejoint ainsi Dieu au moment où, se libérant de toute fixation sur un objet contingent, elle devient pur acte de négation : elle s’éteint alors dans l’activité divine elle-même, et se reconnaît comme effet, créature, et comme mue de l’intérieur par sa Volonté – comme volonté désintéressée, service, amour et crainte. Cette connaissance des actions devient source infinie d’inspiration de l’action, appel sans fin au perfec- tionnement de nos propres actions. Connaître Dieu, cela revient à connaître ses actions et à chercher à les imiter. La lumière de l’intelligence par laquelle nous le visons s’avère être la lumière même par laquelle il nous regarde et nous com- mande à notre intelligence et à ses actes. Notre regard change de sens : ce n’est plus nous qui le regardons, c’est lui qui nous regarde et nous guide vers nos actions. Ce travail de négation est donc éminemment positif : il ne vise qu’à préserver un contenu qui dépasse toute pensée possible, et pourtant la nourrit en tant même

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