Lépante, bataille de | Le Thiec, Guy

Lépante, bataille de 786 dans le premier. C’était là prendre acte d’une conséquence à moyen terme, bien connue depuis la Méditerranée de F. Braudel : l’essor de la course après Lépante. Cependant, la bataille de Lépante avait acquis une destinée propre, qui fai- sait fi de l’absence immédiate de toute conséquence navale. Les imaginaires ayant aussi une histoire, celui de Lépante se construisit au lendemain de la vic- toire dans le camp chrétien. Varié, et d’autant plus riche qu’il s’appuyait sur des nations diverses (vénitienne, romaine, voire « pontificale », espagnole, toscane, génoise…), il réapparaît aujourd’hui, instrumentalisé pour les besoins idéo­ logiques du combat contre l’islam au nom d’une identité européenne. Avant même la formation d’un quelconque imaginaire, les premiers échos de l’événement furent ceux des annonces de la victoire : à Venise (dès le 19 octobre), à Rome, à Messine, ou encore sur les côtes espagnoles. Elles donnèrent le signal de manifestations qui échappèrent, dans un premier temps, aux diverses auto- rités. Après la liesse initiale, la république de Venise honora ses morts, comme la plupart des puissances coalisées qui entreprirent de célébrer l’événement. Si les populations, notamment vénitienne et romaine, s’emparèrent, en apparence spontanément, de l’événement lors des carnavals de l’hiver 1571‑1572, les diverses puissances souveraines eurent recours principalement à la peinture pour immor- taliser leur victoire. Véronèse, Vasari, Tintoret, Titien furent ainsi sollicités par la Sérénissime, la papauté de Pie V puis de Grégoire XIII, ou encore Philippe II, pour commémorer leur participation à une victoire qui, suivant les besoins, passait ainsi pour celle d’une république protégée par les saints Marc et Justine, celle de la papauté aidée des puissances célestes, celle d’un Philippe II, offrant son héritier Hernando à la Victoire. Le massacre des chefs huguenots en août 1572 (nuit de la Saint-Barthélemy) conduisit la papauté à célébrer dans la Sala Regia du palais du Vatican la commune victoire contre les infidèles (ottomans) et les hérétiques (protestants). Plus durablement, Grégoire XIII avait institué le premier dimanche d’octobre comme jour de commémoration de la victoire que Pie V avait vue dans ses prières, la plaçant sous l’égide de Notre-Dame de la Victoire et du Rosaire. De façon encore plus diffuse, des représentations de Lépante fleurirent dans de nombreux sanctuaires, associées directement à la victoire ou à des confréries du Rosaire, ou à la dévotion dominicaine. Aux côtés des nombreuses gravures qui célébraient le parfait ordre de bataille des navires chrétiens, ce furent, enfin, dans presque toute l’Europe près de 300 éditions qui, entre 1571 et 1573, magnifièrent la victoire en en détaillant le déroulement et les participants. La force de ce véritable mythe, alors naissant, fut telle que de nos jours Lépante demeure un objet historique parfois mobilisateur. Les échos contempo- rains peuvent ainsi être ceux d’une utilisation idéologique, certes marginale mais clairement identifiable. Les différents auteurs signant leur texte revendiquent des appartenances politiques éloquentes : la Lega Nord (Mario Borghezio), les

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