Lépante, bataille de | Le Thiec, Guy

Lépante, bataille de 783 de la Prévéza, avait été tenue en respect par la flotte espagnole au nom, idéolo- giquement, d’une catholicité dont elle se faisait le bras armé, et grâce à la résis- tance des chevaliers de Malte. Mais la simultanéité de la révolte des Pays-Bas et des Alpujarras (1568‑1569) fit des deux années précédant Lépante un temps de crise pour l’Espagne, « peut-être la plus grande crise du xvi e siècle » (Lynch, 1994), quand Selîm II recevait les envoyés des morisques espagnols à Istanbul et, par l’intermédiaire de son allié et représentant, le beylerbey d’Alger Uluj Alî, prenait Tunis, par terre (janvier 1570), au souverain hafside, allié de Philippe II. Du côté ottoman, en effet, la succession de Soliman I er en la personne de Selîm II (1566‑1574), n’avait pas fragilisé un empire aux structures éprouvées : les arsenaux de Galata avaient depuis 1557 quelque 123 docks ; l’Empire pouvait consacrer annuellement un demi-million de ducats à l’entretien de ses galères ; et la succession de kapudan s pacha s (« amiraux ») de valeur (Khayr al-Dîn, Turgut Reis/Dragut, Sokollu Mehmed Pacha, Piyale Pacha) avait assuré la constance de sa politique méditerranéenne. Le nouveau règne venait en outre de rempor- ter un premier succès en entamant la guerre de Chypre et en gagnant Nicosie (août 1570). Ce dernier conflit contribue à expliquer la période qui précéda l’affrontement du 7 octobre 1571. Après une année (1569) de perplexité quant aux buts du réarmement naval ottoman, la montée des périls avait finalement conduit Venise à répondre aux appels de la papauté à former une coalition devant unir les deux plus grandes flottes chrétiennes de Méditerranée, l’espagnole et la vénitienne, aux côtés notamment d’un contingent pontifical et d’un génois. À la semblance des îles Curzolari du golfe de Lépante, disparues depuis le combat naval, les incertitudes des semaines précédant l’affrontement ont été oubliées, balayées par la certitude d’une date, le 7 octobre, et d’un lieu, le golfe de Lépante/Patras/Naupacte. Pourtant l’histoire de la « plus importante bataille navale depuis Actium » fut d’abord celle de deux armadas qui passèrent plu- sieurs semaines à se chercher. Les flottes chrétiennes n’avaient opéré leur jonc- tion qu’au 15 septembre après avoir conflué vers Messine ; elles formaient alors un ensemble de 180 galères sous le commandement, disputé, de don Juan de Austria (demi-frère du roi d’Espagne Philippe II). Du côté turc, la flotte, sous le commandement de Müezzinzade Ali Pacha, s’était rassemblée au prin- temps 1571, tout d’abord à l’île de Négrepont/Eubée, y menant des raids contre la Crète vénitienne, dont on avait un temps pensé qu’elle serait le but de guerre, avant la jonction avec une flottille barbaresque aux ordres d’Uludj Ali (le renégat Occhiali des Vénitiens), totalisant alors quelque 200 galères. Dès juillet, alors que les flottes espagnole et papale se trouvaient déjà à Messine, rejointes bien- tôt par le contingent vénitien de Sebastiano Venier, les raids ottomans se multi- plièrent dans l’Adriatique : Corfou, divers rivages de ce « lac vénitien », et bientôt Parga, transformée en tête de pont. L’ensemble de la flotte turque se basa dans

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