Lépante, bataille de | Le Thiec, Guy

Lépante, bataille de 782 arrimé à l’Empire et avec lui la nécessité de consolider navalement la maîtrise d’une nouvelle rive méditerranéenne ottomane, cette fois méridionale et occi- dentale (à l’est, la prise de Rhodes en 1522 protégerait les échanges égyptiens). « Les domaines et le gouvernement de la maison d’Osman », périphrase pour l’Empire, accentuaient leur caractère transcontinental (asiatique, européen et dès lors africain) et englobaient désormais en leur sein suffisamment de mers (Noire, Rouge, « Blanche » – Méditerranée –, d’Alboran) et d’îles (Cyclades, Rhodes) pour non seulement se doter d’une flotte comparable en puissance et en répu- tation à l’armée, mais aussi établir un contrôle sur des mers qui étaient parfois les meilleures routes impériales. Si le sultan Soliman I er (1520‑1566) avait ainsi négligé quelque peu sa flotte jusqu’à l’affrontement naval manqué de la Prévéza (1538), il devint vital pour les Turcs ottomans d’intégrer la Méditerranée à leur empire. Elle se révélait être le centre véritable d’un empire continental dont les navires étaient suffisamment réputés jusqu’en Asie pour être appelés par le sul- tan du Goudjérat afin de tenir en respect Portugais et Moghols en Inde. Comprendre Lépante suppose également de prendre la mesure du rapport de forces stratégique en Méditerranée : celui de Venise et de l’Espagne face à ce même Empire ottoman. Si Venise et l’Empire furent, selon le mot de Braudel, deux « ennemis complémentaires », cette complémentarité s’était révélée émi- nemment coûteuse lorsque la Sérénissime avait cru devoir sauver des parts de sa propre thalassocratie en ne refusant plus le risque d’une guerre maritime contre les Turcs. 1480, 1503, 1540 : autant d’occasions, voire de Saintes Ligues, dont les paix séparées vénitiennes coûtèrent à la République le rachat à prix d’or tant de sa liberté de commercer que de la préservation de ses ultimes possessions, Chypre et la Crète. Lépante, de ce point de vue, n’était qu’une réédition : ce fut, comme on le sait, la guerre dite de Chypre, commencée en 1570, qui entraîna Venise dans une nouvelle Sainte-Ligue. L’Espagne, à la différence de la République adriatique, découvrit tardive- ment l’Empire. La conjonction de la politique castillane de Reconquista pour- suivie jusqu’au Maghreb, avec celle, aragonaise, d’une domination traditionnelle du bassin occidental de la Méditerranée, avait inévitablement mis aux prises les impérialismes espagnol et ottoman, depuis les rivages d’une Italie vivant sous une pax hispanica (1529) jusqu’à ceux de la Tunisie hafside alliée (1535). Si le rêve impérial chrétien s’était incarné en Charles Quint (1516/1519‑1556), Philippe II (1556‑1598) n’avait hérité de ce dernier, pour la Méditerranée, que d’un impérialisme maritime borné par les rivages tyrrhéniens et adriatiques du royaume de Naples, la Sicile espagnole et les présides libyens confiés (puis per- dus) aux chevaliers de Malte, en passant par Djerba (redevenue barbaresque en 1560). Le récent siège de Malte (été 1565) avait parfaitement illustré les nouveaux enjeux : la suprématie navale des Ottomans en Méditerranée, née aux lendemains

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