Léon l’Africain | Zhiri, Oumelbanine

Léon l’Africain 779 Son impact est immédiat, profond et durable. La cartographie et la géogra- phie de l’Afrique en Europe aux xvi e et xvii e siècles lui doivent énormément, au point que l’on peut dire, sans exagération, que ce livre a constitué une véritable révélation. L’emploi massif de ses toponymes, auquel on reconnaît souvent dès l’abord son influence sur un texte, le souligne. Cet ouvrage nourrit la géographie descriptive de l’Afrique en Europe, depuis les volumineuses cosmographies uni- verselles jusqu’aux manuels de géographie à l’usage des étudiants. La Descrittione a également été mise à contribution par les historiens de l’Afrique, qui peuvent y trouver un grand nombre de renseignements concernant les diverses périodes et dynasties. Son influence se reconnaît dans d’autres champs du savoir et de la culture, tels que la science politique, l’occultisme, l’histoire des religions, l’étude des langues du monde, ou la Kabbale chrétienne. La Descrittione trouve même sa place dans la littérature fictionnelle, dans les Novelle de Matteo Bandello (1480‑1562) ou les Histoires tragiques de François de Belleforest (1530‑1583). L’un des fondateurs de la science politique moderne en Europe, Jean Bodin (vers 1529‑1596), l’a lue avec une attention soutenue et la mentionne à de nom- breuses reprises dans sa grande œuvre La République , tandis que Montaigne la cite, dans ses Essais , à travers un autre auteur. Après cette première période, l’influence de la Descrittione s’estompe sans jamais s’effacer. Elle se poursuit souvent à travers son impact profond sur d’autres œuvres majeures, comme la Descripción general de África de l’Espagnol Luis del Mármol Carvajal (1520‑1600). Au xix e siècle, une nouvelle vague de rééditions et de traductions commence ; elle se poursuit aujourd’hui. Jusqu’à la fin du xix e siècle, les cartes de l’Afrique du Nord établies en Europe utilisent la toponymie de la Descrittione . Elle est même réévaluée à la lumière de la meil- leure connaissance du continent africain comme de l’essor de l’orientalisme. L’œuvre de Léon trouve enfin son chemin de retour vers la culture d’origine de son auteur. Des études puis une traduction de son œuvre majeure en langue arabe lui permettent de prendre la place que les circonstances lui ont peut-être volée. En 1931, un manuscrit de l’ouvrage de Léon, conservé à la Biblioteca Nazionale de Rome, est identifié par Angela Codazzi. Son étude révèle que Ramusio a considérablement modifié l’original de Léon, en a corrigé les fautes de langue, mais a aussi tronqué nombre de passages et altéré des noms propres et des chiffres. Ce manuscrit, qui permet d’approcher de plus près le travail et le projet original de Léon, n’a malheureusement pas encore été édité. Une telle publication serait du plus grand intérêt pour les historiens qui voient à juste titre la Descrittione comme une source majeure sur le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest à l’aube des Temps modernes. Parallèlement à l’influence de son œuvre, ses lecteurs, depuis le xvi e jusqu’au xxi e siècle, ont souvent été fascinés par ce qu’elle révèle de la personnalité de son

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