Léon l’Africain | Zhiri, Oumelbanine

Léon l’Africain 778 desquels il a vu les lieux qu’il décrit, après avoir parcouru à cheval les distances entre les villes de l’Afrique du Nord et traversé le Sahara à dos de chameau. Des anecdotes héroïques ou prosaïques scandent le texte et mettent souvent en scène les personnages rencontrés au gré des voyages, et présentent l’auteur comme un homme constamment en mouvement. À un autre égard, il est essentiel de considérer les circonstances dans lesquelles la Descrittione a été rédigée et lue pour la comprendre. Écrit en Europe à l’usage de l’Autre, cet ouvrage géographique déborde ainsi les limites du genre tel que Léon a pu le connaître dans la culture maghrébine de son temps. Les observations de l’auteur se distinguent de façon frappante des témoignages d’autres écrivains marocains à cette époque. Souvent, ces derniers privilégient les cités orientales, de Tunis au Caire, et de Damas à Médine, qu’ils visitent pour rencontrer des savants célèbres. Dans sa description du Maroc, Léon offre une précision et une abondance que l’on chercherait en vain dans les récits des voyageurs marocains qui l’ont précédé. Un tel contraste avec les règles du genre s’explique sans aucun doute par le fait que l’auteur s’adresse à un public curieux de détails qui, concer- nant un pays étranger, ne lui paraissent pas trop ordinaires pour être intéressants. La difficulté essentielle que Léon a rencontrée dans son œuvre est, en même temps, pourvoyeuse de son succès et de la fascination exercée par son auteur. Un texte tel que la Descrittione , avec son abondance d’informations, sa connais- sance intime de son sujet, n’aurait pu, dans le premier tiers du xvi e siècle, être écrit par un auteur européen. Il a fallu une rare conjonction de circonstances pour que les lecteurs européens de ce temps aient accès à ce savoir sur l’Afrique : la dramatique arrivée de Léon en Italie, la qualité de son éducation, son expé- rience de fonctionnaire et de voyageur, son goût pour l’écriture, le fait qu’il ait trouvé des protecteurs intéressés par les études orientales. Son premier éditeur, Ramusio, conscient de l’importance de l’ouvrage de Léon, le présente dans sa préface, seul parmi tous les textes qu’il publie, et prédit qu’il devrait intéresser les savants aussi bien que les politiques. La Descrittione ren- contre en effet un succès immédiat et sera très vite traduite et publiée séparément du recueil de Ramusio, en français (1556), en latin (1556, 1559, 1632), puis en anglais (1600) et en néerlandais (1665). Les lettrés de l’Europe l’accueillent avec enthousiasme. Grâce à ce livre, ils peuvent enfin mettre à jour leurs informations sur l’Afrique, qui dataient souvent de l’Antiquité, et qui commençaient à peine à être renouvelées par les explorations portugaises. À cette époque, la civilisation européenne développe une intense curiosité pour le reste du monde, et la cos- mographie connaît un essor sans précédent. La Descrittione apporte à ses lecteurs une mine de renseignements sur l’Afrique du Nord et de l’Ouest (géographie, gouvernement, commerce, histoire, coutumes).

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