Juifs | Trevisan Semi, Emanuela

Juifs 768 également à travers leurs rapports privilégiés au sein de la diaspora juive séfa- rade, consolidés par des mariages qui permettaient des alliances entre familles importantes, élargissaient leur réseau en entrant en relations commerciales aussi avec les catholiques ou les hindous de Goa. Les commerces devinrent transat- lantiques à travers ces réseaux : le corail travaillé à Livourne était expédié en Inde via Lisbonne ou Londres, et les diamants indiens faisaient le même par- cours dans le sens contraire. Au Maroc, ce fut à partir de 1780 qu’à Essaouira (Mogador) – qui était devenu le cœur du commerce transsaharien – certaines familles juives jouèrent un rôle important dans l’activité de la ville marocaine qui vit augmenter sa population juive jusqu’à représenter un tiers des habitants au xix e siècle (10 000 sur 30 000), tandis que les soi-disant « commerçants du sultan » qui géraient et faisaient fructifier le trésor royal avaient le monopole de l’exportation de produits spéci- fiques. À partir du xviii e siècle, certaines familles, qui avaient acquis des posi- tions importantes, se placèrent sous la protection de la France, de l’Angleterre, de l’Autriche ou de l’Italie. Au cours du xix e siècle et de la première partie du xx e , tandis qu’augmentaient la présence et l’influence des puissances coloniales dans les pays de la rive sud de la Méditerranée et que les ports devenaient des centres toujours plus importants d’un commerce désormais mondialisé, la pré- sence juive s’intensifia surtout en direction nord-sud, à la différence de ce qui avait eu lieu aux xvi e et xvii e siècles. Beyrouth, Damas, Tripoli, Tanger, Tunis, mais surtout Alexandrie en Égypte (en plus du Caire) furent des centres d’im- migration de juifs provenant surtout des pays européens ainsi que d’une popu- lation arrivant de tout l’Orient. Si en Égypte, au milieu du xix e siècle, résidaient environ 5 000 juifs, au cours de la période suivante, grâce à la construction du canal de Suez (en 1869) et au développement de l’industrie du coton, leur nombre s’éleva à environ 60 000 en 1917. Il ne faut pas croire que toute cette population s’occupait uniquement de commerce : à côté des grands commer­ çants et des banquiers œuvrait tout un monde de petits artisans, de négociants, d’employés et de professions libérales. À la même période se développa le réseau des écoles juives françaises appar- tenant à l’Alliance israélite universelle. L’institution philanthropique fondée à Paris en 1860 dans le but d’éduquer et d’« émanciper » les coreligionnaires qui se trouvaient en dehors de l’Europe, s’avéra un instrument de propagande idéologique des idées de la France postrévolutionnaire et du modèle de judaïsme européen. Les écoles de l’Alliance furent un élément capable de catalyser le pro- cessus de transformation des communautés juives des pays de la rive sud de la Méditerranée, contribuant à les faire entrer dans une mondialisation sous tutelle européenne.

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