Juifs | Trevisan Semi, Emanuela

Juifs 766 de l’époque. Des familles entières de conversos habitaient Bordeaux, d’où ils organisaient les trafics avec les colonies françaises outre-Atlantique. Selon cer- taines sources, au milieu du xviii e siècle, la plus grande partie du commerce bri- tannique des Antilles était entre les mains des juifs : les navires des marchands séfarades, qui exportaient les produits provenant des colonies, avant d’arriver à Londres passaient par le port de Rhodes. Dans le passé, quand voyager était encore compliqué et dangereux, et la communication difficile, la formation de connexions transnationales n’était pas chose aisée. Le rôle joué par la diaspora juive demeure donc assez atypique. Les réseaux familiers et communautaires juifs, qui permirent le développement des trafics et des commerces à travers toute la Méditerranée, possédaient ce que l’on appelle aujourd’hui, dans un autre registre, le capital social, c’est-à‑dire ce capital caractérisé par la possibilité de la réciprocité et de la solidarité, parti- cularités typiquement diasporiques qui permirent aux communautés juives non seulement de s’intégrer dans les tissus économiques mais aussi de produire de nouvelles ressources et de relancer des activités commerciales. Le grand événement qui obligea les juifs d’Espagne et du Portugal à émi- grer fut la prise de Grenade, le dernier bastion musulman en Europe occiden- tale, par les Rois Catholiques Ferdinand II d’Aragon et Isabelle I re de Castille en 1492. Cette date scelle la détérioration des rapports entre l’Espagne chré- tienne et les musulmans et les juifs, qui avaient commencé un siècle auparavant. Au xiv e siècle, en effet, les juifs avaient été accusés de propagation de la Peste noire et les franciscains les avaient à plusieurs reprises accusés, engendrant ainsi de véritables campagnes de haine antijuive, de déicide, une accusation qui pro- voqua de terribles massacres et surtout la multiplication des phénomènes de conversion et la naissance des conversos . Ces nouveaux chrétiens constitueront, d’une part, l’un des motifs des campagnes inquisitoires des siècles suivants. Les statuts de la pureté de sang furent mis en place afin d’exclure les conversos des fonctions publiques et cette persécution fut l’un des moteurs de la mobilité juive. Il n’existe pas de données précises sur le nombre de juifs présents en Espagne avant les expulsions ; les estimations varient entre moins de 100 000 et 200 000. La Sicile, dont la population juive s’élevait à environ 40 000 personnes, fut éga- lement touchée par le décret d’expulsion. Les juifs qui abandonnèrent l’Espagne se dirigèrent en premier lieu vers le pays le plus proche, le Portugal, où toutefois ils ne purent rester que quatre ans jusqu’à ce que le roi Manuel les expulsât également (1496). Ils se replièrent vers l’Afrique du Nord et la Méditerranée orientale, mais surtout vers l’Empire otto- man et l’Italie, en particulier à Livourne et à Venise. Si des données récentes per- mettent d’estimer que le poids démographique de cette migration dans le monde musulman méditerranéen, entre le xiv e et le xvii e siècle, se limita à quelques

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