Juifs | Trevisan Semi, Emanuela

Juifs 765 Si nous manquons de sources importantes pour l’histoire des juifs à Byzance, c’est grâce à la Genizah du Caire que quelques informations supplémentaires nous sont parvenues. Dans le dépôt de la synagogue Ben Ezra du vieux Caire, on retrouva des milliers de documents et de lettres (les premières découvertes remontent à 1864), qui informent sur l’histoire des juifs à Byzance et sur les grands trafics dans la Méditerranée. Ces documents ont permis à Shelomo Goitein d’esquisser un portrait remarquable des juifs dans le monde arabe et dans la Méditerranée des xi e -xiii e siècles, dans des études qui restent un point de référence incontournable. L’image qu’il nous offre des juifs dans le monde musulman, et en Égypte en particulier, est celle d’une société prospère et ouverte dans laquelle juifs, chrétiens et musulmans vivaient côte à côte, sans besoin de quartiers séparés et dans laquelle les juifs étaient bien intégrés sur le plan écono- mique. Une société dans laquelle il y avait peu de persécutions et dont les juifs étaient un élément intrinsèque. Les juifs partageaient la plupart des traits cultu- rels de la société arabo-musulmane et surtout la langue arabe, une symbiose culturelle qui donna lieu à celle que l’on appelle la culture judéo-arabe. Le statut de dhimmi , imposé aux communautés chrétiennes et juives qui vivaient dans les territoires de l’Islam, signifiait beaucoup de contraintes mais garantissait un sta- tut de « protégé ». En échange d’une soumission absolue et du paiement d’un impôt, la jizya , ce statut permettait en général de vivre dans de bonnes condi- tions tout en concédant l’exercice du culte. Il y a une différence notable entre les pays musulmans et les pays chrétiens, tout au long de l’histoire, jusqu’à la première moitié du xx e : les juifs n’ont pas été expulsés des pays musulmans comme ce fut le cas de ceux vivant dans les pays chrétiens. En pays musulman, ils avaient une place clairement attribuée dans la hiérarchie locale et leur sta- tut était respecté dans une société hiérarchisée. Dans la ville, la séparation de groupes religieux et ethniques dans des quartiers était volontaire et généralisée. Il n’y avait pas un stigmate attaché à un quartier habité principalement par des juifs comme dans les pays chrétiens. C’est à partir du ix e siècle que les marchands juifs, qui, comme nous l’avons vu, étaient polyglottes, ont joué un rôle de médiateurs dans les guerres commerciales entre les nations islamiques d’Afrique du Nord et l’Europe chré- tienne. Les conversos (les convertis au catholicisme), quant à eux, qui quittèrent la péninsule Ibérique après 1492, furent par la suite d’une grande importance pour le développement du commerce entre l’Europe, l’Amérique et le Proche-­ Orient en transportant l’or et l’argent des minières du Sud de l’Amérique vers l’Espagne et le Portugal et, à partir de là, à Anvers. Au xvii e siècle, les conver- sos et les Séfarades avaient des relations bien établies à Livourne, Venise, Hambourg, Amsterdam, Londres, Alep et Goa, pour ne rappeler que certaines des villes les plus importantes dans le trafic et les routes commerciales des juifs

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