Juifs | Trevisan Semi, Emanuela

Juifs 770 religieuse. La progressive occidentalisation des juifs au cours des décennies pré- cédentes, l’identification avec les puissances coloniales (surtout avec la France, qui avait œuvré à travers le réseau des écoles de l’Alliance) et l’influence du sio- nisme, sont tous des facteurs qui ont également contribué à favoriser l’exode vers le monde européen ou vers Israël. Les juifs arrivés en Israël en provenance des divers pays de la rive sud de la Méditerranée, porteurs d’histoires et de traditions différentes, se sont retrouvés « orientalisés », insérés dans la nouvelle catégorie des mizrahim , les juifs orien- taux. Ils ont été intégrés dans ce qu’on appela le « second Israël », puisque le premier était constitué des juifs européens, fondateurs de l’État, les vétérans. Leur marginalisation fut spatiale, puisqu’ils ont été installés dans les nou- velles villes de développement, situées le long des frontières de l’État, loin des centres importants comme Tel-Aviv et Jérusalem ; elle fut aussi sociale, dans la mesure où ils ont reçu moins de ressources, moins d’éducation, et ont béné- ficié de moins de mobilité sociale ; elle fut enfin culturelle puisque la langue qu’ils parlaient, l’arabe et ses différents dialectes, était dévaluée et ostracisée car considérée comme langue de l’« ennemi », et la culture dont ils étaient déposi- taires, dénigrée et ignorée. Certains écrivains particulièrement liés aux paysages et aux thèmes médi­ terranéens ont influencé les jeunes générations à travers des textes souvent auto- biographiques. On relèvera notamment les noms d’Albert Cohen (1895‑1981), né à Corfou et émigré encore enfant à Marseille, qui peut être considéré comme le précurseur d’une écriture « levantine » ; celui d’Albert Memmi (1920-), d’ori- gine tunisienne, émigré en France et auteur entre autres de La Statue de sel  ; pour finir avec Jacqueline Kahanoff (1917‑1979), d’origine égyptienne, émigrée aux États-Unis, qui a influencé toute une génération d’auteurs avec ses textes décri- vant le monde des Levantins. De nouvelles générations de juifs, influencées par la culture juive méditerranéenne et par les migrations qui la caractérisèrent, se sont dédiées à la narration, à partir du milieu du siècle dernier, depuis André Aciman (1951-), né à Alexandrie et émigré aux États-Unis, jusqu’aux écrivains mizrahim d’Israël, Nurit Matalon et les plus jeunes Sami Berdugo, Shimon Adaf et Moshe Sakal. Le rapport entre diaspora juive et État d’Israël est devenu plus complexe avec les récentes migrations des juifs de la Méditerranée en Israël puisque, pour un grand nombre d’entre eux – par exemple pour les juifs marocains qui représentent une partie importante de la société israélienne actuelle – le pays d’origine continue à être une sorte de patrie perdue dont la nouvelle patrie n’a pas complètement rempli le vide : comme si la condition d’exilé, typique- ment diasporique, ne voulait cesser de se reproduire, même après l’émigration dans le pays mythique des origines, et comme si la dichotomie entre diaspora et

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