Jeux | Feschet, Valérie; Fournier, Laurent Sébastien

Jeux 749 pétanque a largement dépassé les frontières européennes, méditerranéennes et africaines avec 40 000 licenciés en Thaïlande (où ce jeu a été déclaré sport natio- nal par la reine mère au retour d’un séjour en Suisse), 10 000 au Japon, 2 197 au Canada (le premier championnat du monde fut organisé à Québec)… La diffu- sion de la pétanque, les variations d’un pays à l’autre s’expliquent par la présence coloniale française à un moment donné de l’histoire, mais aussi par la francophi- lie de certains pays qui entretiennent des liens économiques, culturels et touris- tiques avec la France (Feschet, 2013c). Le jeu s’est aujourd’hui émancipé du cadre culturel qui présidait jusqu’alors à sa pratique. En même temps, la pétanque est devenue un jeu emblématique de l’identité française et des valeurs de la répu- blique (Feschet, 2013b). Une partie de pétanque oppose deux équipes de un, deux ou trois joueurs ayant chacun deux boules (pour les « triplettes ») ou trois boules (en tête à tête ou en « doublette »). L’équipe qui positionne ses boules le plus loin du but (appelé aussi « bouchon » ou « cochonnet ») doit rejouer jusqu’à reprendre le point. L’équipe qui gagne la « mène » (le temps de jeu qui consiste à lancer toutes les boules) comptabilise autant de points qu’il y a de boules près du cochonnet. Les mènes se répètent jusqu’à ce qu’une équipe comptabilise 13 points. Perdre 0 à 13 se solde par le « baiser de Fanny », un rituel qui se retrouve dans différents jeux (à la boule lyonnaise et au baby-foot) et qui consiste à embrasser les fesses dénudées d’une femme, représentées sur un tableau, une photo ou une statuette conservée à cet effet dans le local du club, lot ambigu de consolation et d’humiliation des perdants. Certains concours internationaux sont devenus de véritables événements populaires. « La Marseillaise » (créée en 1962) attend chaque année plus de 10 000 participants. Le « Mondial de Millau », organisé régulièrement au mois d’août depuis 1982 par le Midi Libre , rassemble plusieurs milliers de joueurs dans une ambiance conviviale. À toutes ces rencontres de très haut niveau, pré- sentées comme des « kermesses de l’amitié », il faut ajouter les innombrables joueurs du dimanche et les amateurs non licenciés qui, dès les beaux jours, se retrouvent sur les boulodromes, les parkings, les places, les chemins, les rues, dans les parcs, les cours des maisons, les allées de camping pour partager des « parties de cabanon » selon l’expression consacrée. Cette ambiance festive, fraternelle, estivale, s’est diffusée en même temps que les règles du jeu bien au-delà des frontières européennes. Les concours de pétanque du Bastille Day (14 juillet) de New York, par exemple, organisés dans Brooklyn et Manhattan depuis les années 2000 par des cafetiers et des restau- rateurs d’origine française, est un bon exemple de l’enthousiasme que suscite ce jeu. Les rues de New York, ensablées, aménagées, deviennent alors le cadre d’in- solites parties de boules où francophones et anglophones se retrouvent ensemble

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