Jardin | Consalès, Jean Noël; El Faïz, Mohammed

Jardin 734 destiné à garder le souvenir des fastes de l’Alhambra. Bien que détruit quelques années après sa construction, son modèle reste vivant, au Maroc, jusqu’à la fin du xix e siècle. Outre le souci de donner au concept de jardin une dimension « planétaire », les jardiniers musulmans se préoccupent d’expérimentations et d’acclimatations botaniques. Les plantes qui migrent des parties orientales du monde arabe vers les parties les plus occidentales sont nombreuses et variées. On se contentera ici de citer la canne à sucre et les bananiers dont l’acclima- tation se fait en Andalousie, dans une zone allant d’Almeria aux environs de Gibraltar. Grâce au progrès des techniques horticoles, l’Espagne musulmane connaît, aux xi e et xii e siècles, une sorte d’« agrumomania » semblable, par son intensité, à la « tulipomania » qui se saisit des Hollandais quelques siècles plus tard (xvii e siècle). De fait, le monde arabe constitue non seulement un creu- set dans lequel viennent se fondre différentes formes culturales préislamiques et antiques mais encore un foyer de création et de diffusion d’un important modèle de jardins du Moyen Âge. À la même époque, la Méditerranée occidentale commence à s’ouvrir à des styles exogènes de jardins. Certes, les hommes continuent à entretenir des cultures vivrières adaptées aux conditions locales et, ce faisant, à façonner des paysages vernaculaires complexes et variés (Pitte, 1989). Mais l’affirmation de la nouvelle autorité carolingienne et la christianisation fondée sur la diffusion des abbayes et des monastères contribuent progressivement à normaliser les pratiques jardi- nières. En effet, par un capitulaire, Charlemagne impose la culture d’un grand nombre de plantes dans ses domaines, tandis que le plan de l’abbaye de Saint-­ Gall fixe l’agencement du jardin médiéval idéal (Audouy et Péna, 2012). Religieux ou profane, celui-ci revêt une importante dimension spirituelle. Ce jardin des cinq sens doit être clos (hortus conclusus) , s’organiser de façon géomé- trique et se composer d’un verger (viridarium) , d’un jardin médicinal (herbularius) et d’un potager (hortus) , lui-même disposé en carrés. Ainsi, au fil des siècles, l’art des jardins tend à se réaffirmer en Occident, notamment grâce à la redécou- verte, lors des croisades, des savoirs antiques qui transitent par la Méditerranée. Ce processus doit également beaucoup à l’« émergence d’une aristocratie déli- vrée des soucis matériels » (Le Dantec, 2006a, p. 58), à la passion grandissante de ces notables pour la nature et le jardin. Michel Baridon souligne, à ce titre, le rôle fondamental que tiennent, en France, les personnalités liées à la Sicile et au royaume de Naples dans la découverte et la diffusion des beautés végétales méditerranéennes (Baridon, 1998). Il convient, par exemple, de signaler l’inci- dence de René d’Anjou (1409‑1480), roi de Naples, sur la culture en Provence, dont il est comte, et en Anjou, dont il est duc. Bientôt, la Renaissance vient définitivement consacrer le renouveau de l’art des jardins en Occident. À partir de cette période, celui-ci procède, d’une part, de la différenciation entre jardin

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