Jardin | Consalès, Jean Noël; El Faïz, Mohammed

Jardin 733 soit comme une illustration plastique, soit comme une anticipation du para- dis promis aux croyants. On a l’impression que les créateurs musulmans n’ont d’autre souci, depuis le viii e siècle, que celui de se conformer aux préceptes théologiques dans la conception de leurs jardins. Il ne s’agit pas ici de nier le rôle symbolique des croyances religieuses, mais de le relativiser, tant l’art des jardins dans le monde arabe doit, avant toute autre chose, au développement des sciences et des techniques, au fait urbain et au génie des hommes (El Faïz, 1991 et 1996). La seconde idée concerne la division quadripartite du jardin et ses références tantôt persanes, tantôt coraniques. On a aujourd’hui suffisam- ment d’arguments pour interroger ces références et montrer que la forme dési- gnée ne peut épuiser la variété et la richesse des styles de jardins dans le monde arabo-musulman. On peut dépasser la vision quadripartite, forcément enfer- mée, et envisager les autres modèles qui intègrent, dans leur conception, la pers- pective et les paysages environnants (El Faïz, 2000). À cet égard, Marrakech se distingue par sa situation de conservatoire de tous les styles de jardins connus, depuis le xi e siècle. L’année 1157 correspond, sans doute, à la création des jar- dins de l’Agdal et de la Menara, situés au sud et au sud-ouest de la médina. Au-delà des formules générales que l’on retrouve partout dans le monde arabe, les créateurs de l’Agdal découvrent une nouvelle échelle dans la conception et l’ordonnancement des jardins. La recherche de perspectives ouvertes sur le milieu environnant constitue la première caractéristique du lieu. Le choix du site, la maîtrise de la topographie, les formes adoptées, sont les éléments qui indiquent non seulement la volonté de tirer profit des vues extérieures mais encore un raffinement poussé de l’art paysager. La création de grands réser- voirs d’eau qui servent à l’irrigation, à l’alimentation en eau potable de la ville et à la régulation des ressources hydrauliques est le second attribut de ce jardin. Au-delà de cette fonction principale, les bassins permettent le développement de nombreuses activités ludiques. Ils servent souvent de décor aux festivités et aux réceptions organisées par les souverains du Maroc. La division en enclos constitue une autre spécificité de l’Agdal de Marrakech. Ce parc impérial est parsemé d’innombrables pavillons et kiosques, de dispositions architecturales et de compositions végétales extrêmement riches qui en font un véritable lieu de plaisance et de villégiature. Tous les monuments érigés à la gloire de l’eau (petits et grands bassins, fontaines, vasques) proposent des variations infi- nies de paysages dans un jardin construit à l’échelle de la ville. Par ailleurs, l’Alhambra et le Generalife représentent les derniers développements de l’his- toire des jardins arabes en Espagne. Ce complexe, formé de palais et de jardins, constitue un bel exemple du raffinement de l’architecture des riyâd et de l’ac- complissement de l’art paysager. Un siècle après la chute de Grenade (1492), les Saadiens créent à Marrakech un monument somptueux, le palais Badi,

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