Jardin | Consalès, Jean Noël; El Faïz, Mohammed

Jardin 732 proches de l’Acropole d’Athènes, respectivement nommées l’Académie et le Lycée, tandis qu’Épicure se retire dans son modeste jardin pour affranchir sa pensée. La séparation nature/artifice et la dichotomie ville/campagne se retrouvent, plus tard, dans la civilisation latine, avec toutefois quelques nuances. Car le senti- ment de nature s’exprime plus fortement chez les Romains qu’auparavant chez les Grecs. Cicéron va même jusqu’à distinguer le saltus (« nature sauvage ») de l’ ager (« nature cultivée ») qu’il nomme altera natura (« autre nature » ou « seconde nature »). Durant cette période, l’attrait des cités, et notamment celui de Rome, suscite un important exode rural qui ne manque pas de causer d’importants pro- blèmes urbains. Face à cette croissance difficilement contrôlable des villes et aux désagréments qu’elle engendre, la société patricienne envisage la nature comme une alternative à la crise urbaine. Célébrée par de nombreux hommes d’arts et de lettres (Cicéron, Lucrèce, Virgile, Pline l’Ancien, Pline le Jeune…), la cam- pagne est chargée de valeurs positives. Mettre la nature dans la cité et faire la ville à la campagne devient alors l’objectif des notables romains qui, d’une part, encouragent la création de parcs urbains et, d’autre part, s’emploient à dévelop- per, hors les murs, la construction des villae (résidences et domaines agricoles) et de leurs jardins. Empruntant beaucoup aux modèles égyptien, grec, perse et étrusque, ces derniers dialoguent avec l’architecture. Atrium, tablinum et péris- tyle contribuent à ouvrir les demeures sur l’extérieur. Dotés d’une riche statuaire et de végétaux taillés en topiaires, les jardins romains magnifient la présence de l’eau par de nombreux bassins, jets, cascades et fontaines (Grimal, 1984). Ils s’érigent, par conséquent, en véritables symboles d’un art de vivre antique dont témoignent notamment les vestiges de Pompéi ou de la villa d’Hadrien. Avec les invasions barbares et la chute de l’Empire romain, cet art de vivre, entre nature et artifice, tombe pourtant en désuétude et laisse place à des pratiques culturales bien plus nourricières. Il aurait d’ailleurs certainement disparu des mémoires sans les appropriations, les réinterprétations et les transmissions du « jardinisme » (Le Dantec, 1996) arabo-musulman. Dans la conception arabe, il n’y a pas d’opposition entre le verger utilitaire et le jardin d’agrément. Les créateurs musulmans restent fidèles à une formule riche de significations, où l’utile se joint constamment à l’agréable. Le jardin arabe couvre une aire géographique et culturelle qui va de l’Espagne à l’Inde. Chacun des pays appartenant à cette aire (Irak, Iran, Syrie, Égypte, Maroc, Turquie…) contribue à enrichir le modèle de départ grâce au raffinement et au génie de sa civilisation. Partant de l’héritage arabo-musulman, il convient, néanmoins, de discuter deux idées reçues sur le jardin islamique. La première concerne son fondement religieux. Si l’on consulte le grand nombre d’ou- vrages écrits sur ce sujet depuis un siècle, on constate la référence presque sys- tématique au Coran et au Hadith (les dits du Prophète). Le jardin apparaît

RkJQdWJsaXNoZXIy NDM3MTc=