Insularité | Bernardie-Tahir, Nathalie

Insularité 719 des îles – la plus ancienne des commissions géographiques de la Conférence des régions périphériques maritimes d’Europe – ou dans d’autres cercles, ils militent en effet pour que les États européens reconnaissent les spécificités des îles et mettent en œuvre des politiques adaptées (modalités juridiques particulières, régimes spéciaux), voire dans certains cas dérogatoires (c’est l’exemple de Malte qui, dans le cas de la politique migratoire européenne, demande depuis 2010 une dérogation par rapport à l’application de l’accord de Dublin II). Particulièrement médiatisée aujourd’hui à travers les différentes formes de communications littéraires, touristiques ou politiques, cette prétendue spéci- ficité des modes de vie, de fonctionnement et de développement insulaires est pourtant de plus en plus débattue, voire battue en brèche par les chercheurs. L’isolement des îles tout d’abord, au fondement de la production îléitaire et insulariste, est remis en cause à plusieurs titres. Voir dans les îles des espaces isolés et coupés du monde est de fait un contresens historique pour celles qui, à l’image de Chypre, de la Sicile ou de Malte, par exemple, ont été ouvertes et reliées aux autres rivages méditerranéens et plus largement au reste du monde par d’intenses relations politiques, commerciales et migratoires. Aujourd’hui plus encore, à l’heure du village planétaire et de la mondialisation des trans- ports et des échanges, la notion d’isolement géographique, fût-il insulaire, perd singulièrement de son sens. Parallèlement, l’isolement ne peut pas être consi- déré comme une spécificité insulaire, pouvant tout autant concerner d’autres espaces géographiques continentaux. Cette réflexion repose d’ailleurs la ques- tion du rapport entre l’isolement et l’éloignement, deux concepts qu’aucune causalité ne relie nécessairement, car si l’éloignement peut quelquefois générer de l’isolement, il ne constitue qu’un élément parmi un faisceau de paramètres d’ordre moins kilométrique que social ou mental, un quartier de banlieue pou- vant ainsi être bien plus isolé qu’une île. Ainsi, l’isolement ne serait pas spécifi- quement insulaire, pas plus que les îles ne sont nécessairement isolées. Au cœur du débat scientifique, la déconstruction du lien île-isolement remet dès lors en question la singularité de l’insularité au sens large, sur le plan tant culturel, social qu’économique. La recherche actuelle se fait l’écho de ces divergences, opposant la représentation d’une insularité consubstantiellement particulière et originale à celle d’une insularité partageant les mêmes problématiques que toutes autres formes de territorialités. La question est d’autant plus sensible aujourd’hui que les enjeux sont importants pour des îles qui sont inscrites dans une aire maritime à l’interface de l’Europe et de l’Afrique, entre Orient et Occident, et qui tentent de concilier leur insularité méditerranéenne avec les exigences d’une intégration régionale. Nathalie Bernardie-Tahir

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