Industrialisation | Chastagnaret, Gérard; Raveux, Olivier

Industrialisation 704 milieu du xix e siècle, Hermoupolis, dans les Cyclades, associe durant plus d’un siècle tanneries, constructions navales, fonderies de plomb, minoteries, usines textiles, et même un temps construction de voitures, dans le cadre d’une géo- graphie urbaine marquée par la sortie de l’espace urbain des activités les plus exigeantes ou les plus polluantes, par des réaffectations d’espaces et la constitu- tion d’une véritable ville ouvrière. Des logiques complexes Une des raisons majeures de la sous-évaluation de cette industrialisation est qu’elle est souvent rebelle aux analyses classiques du phénomène industriel : l’investis- sement modernisateur qui permet la conquête de marchés par la compression des coûts et l’augmentation des capacités productives. La cohabitation secto- rielle et structurelle de l’industrie méditerranéenne renvoie en fait à une plura- lité de logiques, et plus précisément au croisement de logiques commerciales et de logiques productives. Les logiques commerciales Celles-ci ont été souvent mises en avant pour minimiser la vitalité industrielle de la région : l’activité de transformation ne serait qu’une annexe de l’échange, d’un négoce en position toujours dominante. Il est vrai que, souvent, l’activité de transformation est liée au trajet de la matière première : coton d’Égypte ou blé d’Asie Mineure « interceptés » à Hermoupolis, plomb brut d’Espagne et soufre de Sicile acheminés vers Marseille. Symétriquement, l’industrie est favo- risée par la perspective d’accès à divers marchés. Deux facteurs favorisent les implantations portuaires, ou en relation commode avec un port. Ces réalités, incontestables, appellent des analyses complémentaires, qui restent partiellement à réaliser. Ainsi, il faudrait apprécier la corrélation entre la stabilité des liaisons maritimes sur la longue durée et le renouvellement des activités de transfor- mation : l’ouverture commerciale est source de concurrence et donc de préca- rité, mais elle est aussi un facteur de renouvellement, en offrant à l’industrie de nouveaux aliments et de nouvelles opportunités. Par ailleurs, les débouchés de l’industrie en Méditerranée doivent être analysés en termes de cloisonne- ment et d’ouverture : cloisonnement sur une région, et parfois même une micro­ région, ouverture sur un espace national, vers d’autres aires méditerranéennes, mais aussi vers des espaces plus lointains, européens ou extra-européens. Des marchés locaux et nationaux étroits et protégés, des ouvertures synonymes de risques et de perspective de croissance : cette combinaison de contrastes est sans doute à l’origine des réussites industrielles du xix e siècle les plus spectacu- laires ou les plus durables. Ainsi, le plomb marseillais du milieu du xix e siècle a fondé sa prospérité sur l’association de trois espaces commerciaux : français,

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