Imprimerie | Cohen, Anouk

Imprimerie 696 oulémas traditionnalistes se sont opposés à ce que l’on change le système d’écri- ture de l’arabe, de crainte que cela ne modifie le message divin et n’introduise une coupure, puisque, disent-ils, aux générations futures ne sera transmise que la nouvelle graphie qui ne permet pas de lire le Coran. Le poids de l’opposition a retardé la normalisation de la fusha jusqu’en 1976, date à laquelle les réunions entre représentants arabes se sont multipliées. Mais c’est véritablement en 1982 que l’Organisation arabe de normalisation et de métrologie (asmo, dissoute en 1990) développe la norme de codage de caractères asmo 449 permettant l’échange d’informations et les applications de traitement de données et de textes. Par la suite, l’Organisation internationale de normali- sation l’adopte comme une norme internationale (iso 8859‑6). Néanmoins, au fil des ans, les usagers et les constructeurs informatiques désireux de conqué- rir le marché informatique et de contourner les contraintes technologiques ont défini plusieurs jeux de caractères codés pour l’alphabet arabe (plus d’une qua- rantaine). De sorte qu’aujourd’hui aucun ne prévaut. Cela complique la tâche des concepteurs de logiciels de pao qui utilisent des normes différentes, d’où le problème rencontré par les éditeurs, compositeurs et imprimeurs qui, pour un même texte, disposent de plusieurs versions informatiques, parfois, incompatibles. L’absence de consensus sur la mise au point d’un code typographique arabe de référence tient à la difficulté des pays à s’accorder sur une réforme de la langue qui porterait non seulement sur la codification de l’alphabet mais aussi sur la standardisation de certains termes. Cela met en exergue les enjeux de légitimité et de légitimation que les académies arabes n’acceptent pas de conférer à un centre décisionnaire tel que la Ligue arabe. On pourrait alors émettre l’hypo­ thèse que cette situation est liée à un rapport de force dans la mesure où l’ins- tance qui décidera de la forme à donner à la langue arabe numérisée fixera des règles typographiques suivant lesquelles un ensemble d’ouvrages, dont le Coran, devront être reproduits, et disposera alors d’un pouvoir conséquent dans l’en- semble du monde arabo-islamique. Ces conditions de production entraînent plusieurs anomalies sur l’objet livre. Pourtant, l’impression et la mise en pages continuent de générer une part impor- tante des coûts de production du livre (un tiers au Maroc, par exemple, contre moins d’un quart en France). L’imprimerie représente l’un des maillons le plus coûteux de la chaîne de production et le principal frein au développement de l’industrie du livre en Méditerranée orientale. L’intervention limitée des États dans les affaires culturelles constitue aussi un obstacle important. En dépit des politiques de scolarisation postindépendance menées dans la région, la lecture ne constitue pas une pratique culturelle cou- rante liée au loisir, au profit de la télévision et du cinéma. Au Maroc, et même au Liban et en Égypte, les objets de lecture sont principalement des ouvrages

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