Homère | Pralon, Didier

Homère 641 Homère Homère se situe à l’origine de la littérature européenne, puisque les deux épopées qui lui ont été attribuées ont été composées entre 750 et 700 avant notre ère, au moment où quelque marin bilingue a adapté le syllabaire sémitique pour inventer l’alphabet grec. L’ Iliade raconte un bref épisode de la guerre de Troie : la colère d’Achille outragé par le roi Agamemnon et son retrait des combats jusqu’à la mort de son compagnon, Patrocle, puis la vengeance qu’il en tire du prince troyen, Hector. L’ensemble de l’action s’étend sur vingt-trois jours. L’ Odyssée raconte le retour d’Ulysse à Ithaque après le sac de Troie et dix années de divagation. Au terme du poème, dont l’action propre couvre quarante et un jours, Ulysse massacre les jeunes prétendants qui harcèlent son épouse et pillent sa maison. De leur origine, les épopées homériques tirent plusieurs ambiguïtés qui font leur charme : leur origine orale, le mélange d’inspirations multiples, la tension entre la naïveté et la subtilité. Transcrites au terme d’une longue succession de poésies orales, elles en conservent les marques : un style formulaire qui rythme les productions à la fois improvisées et tributaires de traditions anciennes, une expression parlée en phrases brèves, suivant une progression linéaire, l’exploitation de formes poé- tiques particulières, dont la plus remarquable est l’usage récurrent de comparai- sons, de récits typés, de thèmes et de motifs, transmis d’aèdes en aèdes. S’y mêlent des faits authentiques et des fictions, l’histoire et la légende, pour promulguer et glorifier le souvenir des hauts faits de jadis, les modèles et les règles d’une éthique commune au groupe qui les produit et les écoute. Le but n’est pas d’innover, mais de dire ce que chacun doit reconnaître et s’approprier. Micrasiate, qu’il soit de Smyrne ou de Chio, Homère se situe à la croisée de cultures, même s’il paraît les ignorer : des peuples « orientaux », il ne nomme que les Phéniciens pirates et les Égyptiens. Tous ses personnages, même les Phrygiens de Troie, parlent grec, un grec archaïque et artificiel. On décèle toutefois dans ses poèmes les traces de traditions orientales, sumériennes et akkadiennes, uga- ritiques, phéniciennes, hurrites, hittites, lyciennes, etc. Dès l’âge du bronze, la

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