Historiographie | Marin, Brigitte

Historiographie 634 History of the Mediterranean (2011), en offre une illustration très aboutie. À dis- tance d’une histoire presque immobile qui accorde une place déterminante aux contraintes géographiques, l’auteur insiste sur le facteur humain, sur l’ac- tion des hommes et sur leurs productions sociales à partir de la mer. Des pre- miers peuplements jusqu’à nos jours, les échanges de populations, de biens, de cultures sont lus à travers les potentialités de navigation offertes par l’es- pace maritime. L’étude ne porte pas sur la région méditerranéenne, avec son relief, ses terres, son agriculture, son habitat, ses États, mais sur l’espace marin, les littoraux, les îles, les cités portuaires, les batailles navales, la piraterie, et bien sûr le commerce maritime, avec ses communautés de marchands, qui se taillent la meilleure part. Ce qui caractérise ici la Méditerranée, c’est la façon dont les hommes en ont exploité les potentialités et les richesses, mais aussi les connexions et les interactions entre les sociétés à travers la voie maritime, le pro- tagonisme des grandes cités portuaires et leur population cosmopolite avant la montée des nationalismes au xx e siècle, ou encore les transformations du litto- ral jusqu’au tourisme de masse d’après-guerre. De nombreuses études, qui n’ont pas nécessairement la même ambition globale et de longue durée, se rattachent à une perspective maritime. Notons le développement des histoires singulières des différents espaces maritimes, mers presque fermées à leur tour, composant la Méditerranée (Égée, Adriatique, Tyrrhénienne…), ou encore des relations avec la mer Noire, l’océan Indien, l’Atlantique (à titre d’exemples : Cabanes, 2001 ; Fawaz et Bayly, 2002 ; Salvemini, 2009 ; Mascilli Migliorini et Mafrici, 2012). En outre, des recherches sur diverses thématiques maritimes ont renouvelé et enrichi notre vision de cette mer : identités insulaires ; routes commerciales et denrées commercialisées, comme le blé, « immense commerce » selon l’ex- pression de Braudel ; techniques et organisation de la navigation ; infrastructures portuaires et aménagements littoraux ; droits et juridictions maritimes ; gens de mer ; communautés et réseaux marchands. Parmi les apports les plus neufs de la récente historiographie, notons l’identification, loin des grands mouvements économiques, maritimes, financiers, et des grandes places de commerce qui inté- ressaient Braudel, de figures commerciales modestes, enracinées dans les com- munautés locales, opérant sur des circuits courts et faiblement monétarisés, mais denses et diffus. Ils témoignent de la vivacité des échanges au moment du « déclin » de la Méditerranée et se manifestent, spatialement, par une poussière portuaire de petites escales, de mouillages, qui échappent aux contrôles des struc- tures présentes dans les grandes villes-ports. Ces acteurs parviennent à investir les niveaux supérieurs des échanges, alimentant des formes encore peu étudiées de l’économie d’Ancien Régime (Salvemini, 2011). C’est sans doute la Méditerranée comme aire de contacts culturels, comme espace de rencontres, de frictions et d’hybridations, qui fait l’objet aujourd’hui

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