Historiographie | Marin, Brigitte

Historiographie 633 transformations économiques avec les changements environnementaux – le petit âge glaciaire avec ses conséquences sur la réduction des terres arables dans les plaines au profit d’une économie pastorale, de la culture de la vigne et de l’oli- vier. Ainsi, le paysage agraire, marqué par la triade méditerranéenne (céréales, olivier, vigne), se recompose selon des rythmes, parfois rapides, dans l’inter­ action entre les phénomènes naturels et les sociétés humaines. Des travaux sur les paysages méditerranéens, comme ceux d’Oliver Rackham et Jennifer Moody sur la Crète (1996), ont montré à partir de données géologiques, botaniques, climatologiques, archéologiques, textuelles, ou encore issues de l’observation, que les « beautés naturelles » de l’île sont le résultat de centaines d’années d’acti- vités humaines, qui ont formé des « paysages culturels », à la fois naturels et arti- ficiels. Par ailleurs, contrairement à une affirmation récurrente depuis l’époque moderne, les paysages méditerranéens n’ont pas été dégradés par les usages dévastateurs des ressources naturelles ; ils montrent à la fois des permanences et des hétérogénéités qui invitent à des études localisées (Grove et Rackham, 2001). On peut rapprocher de cette démarche les études conduites sur le pay- sage ligure, qui relèvent d’une écologie historique issue de la rencontre entre l’histoire environnementale britannique et la micro-histoire italienne, et qui mettent en évidence l’action déterminante des communautés humaines, locale- ment, sur la conformation des paysages (Balzaretti, 2004). L’attention renouve- lée pour les composantes du milieu naturel, pour leur évolution de très longue durée, et pour les impacts anthropiques à toutes les périodes de l’histoire, dans une approche qui intègre toujours davantage les savoirs des sciences environ- nementales, comme de la biologie et de la physique, a ouvert de nouvelles pers- pectives pour la compréhension de cette « part du milieu » chère à Braudel. La nature n’est alors plus envisagée comme un donné préexistant et détermi- nant ; elle s’inscrit dans un processus historique d’échelle plurimillénaire où les hommes ont aussi leur part. Cette question ne pouvant se traiter avec les seules méthodes des sciences historiques, cela ouvre un champ d’investigation autre que celui de l’historiographie. Par ailleurs, l’attention au milieu, dans l’histoire de la Méditerranée, a été stimulée par les enjeux environnementaux actuels de cette mer et par les interrogations sur son habitabilité à long terme, la gestion et la préservation de ses ressources. Cette perspective favorise des études, par exemple, sur les pêches, la couverture végétale et son exploitation, ou encore les pollutions industrielles (par exemple, les titres récents : Faget et Steinberg, 2015 ; Centemeri et Daumalin, 2015). Une autre orientation dominante dans l’historiographie, qui prolonge des études assez classiques sur la Méditerranée tout en apportant une moisson de connaissances nouvelles, est centrée sur les activités humaines liées aux ressources de la mer Intérieure. L’ouvrage de David Abulafia, The Great Sea: A Human

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