Harraga | Charef, Mohamed

Harraga 619 champ instable – a permis, en six ans, de verrouiller toute la façade maritime espagnole. En conséquence, la pression de l’immigration clandestine africaine sur les côtes andalouses a nettement diminué à partir de 2005 et jusqu’à ce jour. Par contre, de façon presque inattendue, à partir du début de 2006, les débar- quements ont augmenté aux îles Canaries en provenance des côtes du Sud du Maroc, de la Mauritanie et même directement du Sénégal. Bien entendu, nous assistons à un départ progressif et inexorable sur de nou- veaux rivages, avec l’intensification des départs à partir des côtes tunisiennes vers les îles de Lampedusa, Linosa et Pantelleria, et l’émergence d’une émigra- tion à partir des côtes algériennes vers Murcie dans un premier temps, et de la Libye vers Malte, Chypre et l’Italie, de la Turquie vers la Grèce par la suite. Ainsi, les filières se développent et les stratégies de contournement sont constam- ment remaniées, se traduisant, bien évidemment, par la diffusion et l’élargis- sement de l’espace migratoire. Lorsque l’Europe renforce le contrôle au niveau du détroit de Gibraltar, les harragas passent par les Canaries. La filière bulgare est débusquée, ils explorent le passage par la Grèce ; la Méditerranée est sous haute surveillance, ils utilisent les cayucos pour partir des ports de l’Afrique occi- dentale, etc. Leurs « aventures » et leurs drames presque quotidiens inspirent de plus en plus le théâtre, la chanson, le cinéma et la littérature, qui expriment et retracent leur calvaire. De plus, nous assistons à la politisation récurrente de cette thématique, laquelle se mesure à la fois au nombre de modifications législatives et à la multi- plication des « débats » politiques. En concomitance, le déferlement des images, des modèles culturels des pays riches rapproche virtuellement l’« eldorado euro- péen », nourrit en permanence l’imaginaire collectif et incite à toutes les formes de migrations (touristiques, études, travail, peuplement ou installation défini- tive, exil…). Le tout, dans un contexte socio-économique où le travail rémuné- rateur se trouve de plus en plus difficilement, où le poids familial s’effrite peu à peu, les tentations de consommation grandissent de jour en jour, les revendi- cations des libertés publiques et politiques des droits de l’homme, des égalités socio-économiques, de la démocratie, de la méritocratie, de la dignité et de la parité, émergent dans les revendications sociétales. Rappelons que, paradoxalement, la volonté manifeste de la construction de la libre circulation des personnes à l’intérieur de l’espace Schengen se dédouble par une protection, qui se veut étanche face à l’extérieur. En effet, en dépit de dis- sensions entre États, les principes de base d’une politique commune de l’Union européenne en matière d’immigration prennent de plus en plus forme. On peut le constater aisément à travers les définitions de base (espace européen, citoyen, immigré, étranger, etc.) et les mesures prises (harmonisation des conditions d’entrée dans l’espace Schengen, création du Système d’information Schengen),

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