Harraga | Charef, Mohamed

Harraga 618 certain « voisinage par transitivité ». Cela montre à la fois le caractère mondial des mobilités internationales, explique le poids des surveillances de plus en plus accrues et l’importance des turbulences socio-politiques qui finissent par orien- ter les candidats vers les goulots d’étranglement naturels que sont les mers, les isthmes et les détroits. Les plus prisés de ces derniers sont les points de contact avec les zones de destination. En plus des causes économiques et culturelles, les crises politiques multidimensionnelles et les sinistres environnementaux à répé- titions, qui secouent l’Afrique et l’Asie, poussent de nombreuses personnes sur le chemin de l’exil. Certes, il y a toujours des Maghrébins, des Subsahariens, des Afghans et des Irakiens, mais on trouve de plus en plus de Soudanais, de Somaliens, d’Érythréens et de Syriens, voire de Philippins, de Colombiens et de Chinois. Ce sont des hommes, mais aussi de plus en plus des femmes et des enfants. Ces mouvements migratoires sont tributaires en partie des évolutions politiques et des situations socio-économiques. C’est un excellent baromètre pour juger les conditions de vie et de travail dans un pays et le respect des droits de l’homme. C’est la traduction de la maxime de Voltaire, lancée sous forme de défi : « Donnez à tous vos sujets envie de demeurer chez vous, et aux étrangers d’y venir. » (Voltaire, 1764.) Dans un souci d’adaptation aux contraintes juridiques, les candidats à l’im- migration se déplacent vers des espaces situés hors des territoires et des cou- loirs migratoires habituels. Ils défrichent de nouveaux espaces migratoires et renforcent les connexions et les réseaux de circulations. La migration par étapes redevient un scénario fréquent, et la mobilisation sociétale pour organi- ser les départs très active et dynamique dans le développement de stratégies de départs contournant ou détournant les législations et les réglementations de plus en plus rigides qui régissent les flux migratoires. En dépit des contrôles tou- jours plus sévères, des risques encore plus démesurés, le flux de l’émigration clandestine se maintient à en juger par le nombre croissant d’arrestations, de noyades et de victimes. Quoi qu’il en soit, dès la mise en place du système de surveillance tous azi- muts (aérien, maritime, terrestre, radar, etc.), tout au long des côtes espagnoles, et l’instauration du système Eurodac – qui permet aux États membres la compa­ raison des empreintes digitales des demandeurs d’asile et des personnes ayant illégalement franchi les frontières extérieures de l’Europe –, le passage « natu- rel » par le détroit (au sens géographique) s’en est trouvé bouleversé. Constituant à bien des égards un goulot d’étranglement devenu infranchissable, ce chan- gement est dû, en premier lieu, à l’implantation du Système intégré de vigi- lance extérieure ( sive ) aux abords du détroit de Gibraltar dès le début des années 2000. Ce système – une application de la technologie la plus récente de gestion de signaux électroniques pour la détection d’objets mobiles dans un

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